Comment le gouvernement se justifie à chaque hausse du chômage depuis le début du quinquennat
La conjoncture, les outils de mesure défectueux... Le ministère du Travail a toujours une bonne explication à fournir lorsqu'il s'agit d'expliquer l'augmentation des chiffres du chômage. Décryptage.
François Hollande a tout misé sur la baisse du chômage. Après avoir conditionné sa candidature à l'élection présidentielle à une inversion de la courbe, le chef de l'Etat se doit d'obtenir des résultats. Et quand ceux-ci mettent du temps arriver, il faut bien trouver une explication... même si cela demande un peu de mauvaise foi. Dernier exemple en date, les déclarations du 26 septembre autour de l'annonce des chiffres du mois d'août. Franceinfo fait le tri dans les excuses du gouvernement.
En se cachant derrière les événements
Pour les chiffres du mois d'août 2016, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a expliqué les mauvais résultats par les "difficultés rencontrées dans certains secteurs d'activité particulièrement affectés par les attentats de juillet" à Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray. Traduction : le secteur du tourisme a souffert du climat post-attentats et le chômage serait reparti à la hausse pour cette raison.
Pourquoi c'est justifié : La baisse des réservations de vols et de locations vient confirmer que le secteur du tourisme a souffert après les attentats. Ce climat peut donc participer à la hausse du chômage, notamment chez les moins de 25 ans. "La crise du tourisme a été particulièrement violente chez les saisonniers", indique par exemple l'économiste Bertrand Martinot dans Les Echos.
Pourquoi c'est abusif : Le gouvernement a une facilité à se réfugier derrière les événements sans remettre en question ses choix économiques. Par exemple, si la hausse d'août 2016 peut être en partie expliquée par les attentats, cela ne suffit pas. "On voit aussi clairement que la croissance piétine", observe Mathieu Plane, économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
En utilisant des formules alambiquées
Quand vous manquez d'arguments, il peut être tentant de noyer le poisson. "La progression mensuelle moyenne ralentit", explique le ministère du Travail dans un communiqué pour commenter les mauvais chiffres du chômage de septembre 2014 (+19 200 chômeurs). Pour les chiffres de mars 2015 (+15 400), le ministère parle cette fois de "phase d’amélioration de la tendance".
Pourquoi c'est justifié : Un chiffre ne suffit pas à résumer la situation du chômage en France dans toute sa complexité. Il paraît donc important d'être capable de l'expliquer et de le mettre en perspective.
Pourquoi c'est abusif : Dans la lignée de "l'inversion de la courbe du chômage", le gouvernement a usé et abusé d'un jargon complexe ou abstrait pour décrire une réalité simple : le nombre de chômeurs augmente. Il peut ainsi donner l'impression de minimiser les résultats par l'usage d'une communication excessive.
En choisissant avec soin les chiffres
Le ministère du Travail communique chaque mois sur les chiffres des demandeurs d'emploi en catégorie A compilés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Mais pour trouver une porte de sortie, le gouvernement a parfois tendance à changer les chiffres. Par exemple, pour commenter l'augmentation de mai 2014 (+24 000 chômeurs), François Rebsamen décide de changer le cadre, en utilisant les chiffres de l'Insee : "Le chômage au sens du BIT se stabilise."
En août 2014, pour atténuer la hausse, il préfère se concentrer uniquement sur les jeunes chômeurs en catégorie A, dont le nombre diminue. De même, le gouvernement n'hésite pas à communiquer sur un bilan trimestriel ou sur deux mois afin d'éviter de parler de la hausse sur un mois. "Les chiffres mensuels (...) ne sont pas l'alpha et l'oméga de la politique qui est menée", s'est justifiée Myriam El Khomri, le 27 septembre sur Radio Classique.
Pourquoi c'est justifié : La multiplication des données au sujet du chômage permet d'affiner la réalité. Par exemple, les chiffres de l'Insee (calculés chaque trimestre à partir d'une enquête auprès de 100 000 personnes) sont intéressants pour évaluer les tendances à moyen terme. Cependant, elles sont peu pertinentes pour évaluer le court terme.
Pourquoi c'est abusif : Ainsi, quand le gouvernement utilise des données annexes pour éviter de parler de la hausse du chômage, il fuit la réalité. L'utilisation des chiffres de la Dares (collectés grâce aux déclarations faites à Pôle Emploi) au fil des mois et des années permet d'établir une courbe assez fine de l'évolution du chômage.
En accusant le thermomètre défectueux
Certains mois, le gouvernement tire profit des problèmes techniques rencontrés dans la mesure des chiffres du chômage. En août 2013, la baisse des chiffres du chômage a été amplifiée à cause d'un bug de l'opérateur téléphonique SFR, ayant entraîné des radiations pour défaut d'actualisation. Le bug a vite été "corrigé" avec une forte hausse (+60 000 demandeurs d'emplois) le mois suivant, ce que n'a pas manqué de souligner le gouvernement.
Pourquoi c'est justifié : La mesure des chiffres du chômage ne souffre pas des imprécisions et il est important de vérifier qu'aucun bug ne vienne perturber le relevé statistique.
Pourquoi c'est abusif : Le ministère du Travail n'hésite pas à communiquer, malgré tout chaque mois, sur le relevé de la Dares. En réalité, lors du bug d'août 2013, le gouvernement est gagnant par deux fois dans sa communication. Il peut se réjouir d'une baisse plus forte qu'attendue dans un premier temps, avant de relativiser la forte hausse le mois d'après.
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