La baisse du taux de chômage est-elle à mettre au crédit de la politique d'Emmanuel Macron ?
L'Insee a publié mercredi des prévisions très encourageantes concernant le taux de chômage, à 7,6% de la population active pour le dernier trimestre 2021. Cette baisse s'explique-t-elle par la politique du "quoi qu'il en coûte" prônée par l'exécutif ou par un heureux alignement des planètes ?
Une première depuis la crise financière de 2008. Jamais, depuis treize ans, le taux de chômage n'avait atteint un niveau aussi bas, selon les prévisions pour la fin de l'année de l'Insee, publiées mercredi 6 octobre. Dans sa dernière note de conjoncture, l'institut table sur un taux de chômage à 7,6% pour le dernier trimestre de 2021.
A six mois de l'élection présidentielle, "le rythme des créations ralentirait quelque peu d'ici la fin de l'année mais, au total, environ 500 000 créations nettes d'emplois salariés succéderaient aux 300 000 destructions nettes enregistrées en 2020", souligne l'Insee. Pour rappel, le taux de chômage s'établissait encore à 9,5% au deuxième trimestre de 2017, au début du quinquennat d'Emmanuel Macron. En quatre ans et demi, le chef de l'Etat peut donc faire valoir une baisse de 1,9 point. Faut-il y voir la réussite de sa politique du "quoi qu'il en coûte", après des mois de crise économique liée à la situation sanitaire ?
Une forte baisse déjà pressentie avant la crise
Pour l'exécutif, l'analyse ne fait aucun doute. La stratégie adoptée par le gouvernement, avec la mise en place d'un dispositif de chômage partiel pour les salariés ainsi que les aides financières aux entreprises en difficulté – prêts garantis par l'Etat (PGE), fonds de solidarité, notamment – a bien contribué à maintenir l'emploi à un niveau élevé. "On a protégé les entreprises et protégé les emplois", s'est félicitée la ministre du Travail, Elisabeth Borne, mercredi soir sur le plateau de franceinfo.
Les prévisions de l'INSEE sont une très bonne nouvelle. Cela montre que la stratégie du « quoiqu'il en coûte » et les réformes menées depuis 2017 portent leurs fruits.
— Elisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) October 7, 2021
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Pour plusieurs économistes contactés par franceinfo, les mesures économiques prises par le gouvernement pendant la crise sanitaire ont en effet permis de maintenir l'emploi. Et même de réduire le taux de chômage, dans un contexte de reprise économique mondiale. "Si les entreprises avaient fait faillite [au plus fort de la crise sanitaire], elles n'auraient pas pu recruter aujourd'hui", analyse l'économiste et conférencier Philippe Dessertine, professeur à l'Institut d'administration des entreprises de l'université Paris I. "On voit les fruits de la politique du gouvernement, où l'économie a été mise sous cloche de manière inédite et a empêché la destruction d'emplois", abonde Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet BDO France.
Une lecture nuancée par l'économiste et directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, Eric Heyer, sur RTL. "Il est trop tôt pour savoir si les actions du chef de l'Etat ont favorisé cette baisse du chômage", tempère-t-il. Philippe Dessertine anticipe aussi un effet boomerang puisque "le paiement du 'quoi qu'il en coûte' aura un coût ensuite", quand les entreprises devront notamment rembourser leur PGE.
Par ailleurs, selon l'Insee, la dynamique était déjà enclenchée avant la crise sanitaire. "Il y a deux ans, avant la crise, le taux de chômage était sur une tendance baissière, de l'ordre de 0,5 point de moins par an, explique à France Télévisions Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee. Au fond, on retrouve cette trajectoire tendancielle maintenant."
La croissance dope l'emploi
"Quand vous avez une croissance à 6% [la Banque de France prévoit une croissance à 6,3% en 2021], les entreprises sont en pleine activité et ont des besoins de main-d'œuvre rapidement", explique-t-il. Cette baisse du chômage liée à la reprise économique ne le surprend pas : "Je disais aux entreprises en mai dernier de ne pas licencier leurs salariés, car l'activité allait reprendre et le besoin de main-d'œuvre aussi".
Signe que la reprise ne se limite pas à l'échelle nationale, certains pays voisins connaissent également une croissance importante et un taux de chômage en baisse. "Pour l'Allemagne, on va revenir autour de 4% et autour de 6% pour les pays de l'Union européenne", développe Anne-Sophie Alsif. "Ce n'est pas une exception française, approuve Philippe Dessertine. La France avait un taux de chômage plus élevé et là, elle rattrape plus vite grâce à une croissance plus forte que ses voisins."
Une situation qui pourrait ne pas durer
Parmi les secteurs qui recrutent, figurent l'hôtellerie et la restauration, les services et le commerce, qui ont particulièrement souffert pendant la crise. De là à penser qu'ils vont pouvoir de nouveau recruter durablement ? "La crise n'a pas changé les habitudes, prévient Anne-Sophie Alsif. Il y a des tensions dans les secteurs de la construction, de la restauration et ils vont continuer à employer en CDD et en CDI dans des emplois liés aux services".
"Les entreprises qui ne vont pas bien devront licencier, anticipe Philippe Dessertine. Il y aura un problème de demandes dans le tissu des PME et PMI. Il y a eu un effet d'aubaine." Dès le mois d'octobre 2020, les PGE constituaient déjà une "bombe nucléaire à retardement" alertait Thierry Grégoire, représentant de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) sur la liquidation d'entreprises, et par conséquent, la destruction d'emplois. "Les aides d'Etat ont aussi protégé les entreprises qui n'auraient pas dû continuer à exister", constatait Jean-Charles Gancia, avocat spécialisé dans les restructurations, à franceinfo il y a tout juste un an.
C'est notamment l'hypothèse de la Banque de France, pour qui "l'emploi pourrait temporairement marquer le pas début 2022, dès lors que l'extinction du dispositif d'activité partielle provoquerait une normalisation des conditions d'emploi dans l'ensemble des entreprises". Dans sa note, l'Insee pointe également "une reprise rapide, mais déjà sous tensions."
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