Réforme de l'assurance-chômage : pourquoi les jeunes, les précaires et les seniors sont ceux qui ont le plus à perdre
Une troisième réforme en cinq ans. Après 2019 et 2021, Emmanuel Macron va de nouveau réformer le régime de l'assurance-chômage. Cette mesure, présentée la semaine dernière aux syndicats et au patronat, a été officialisée dimanche 26 mai par Gabriel Attal. Durcissement des conditions d'ouverture des droits, réduction de la durée d'indemnisation, hausse de l'âge pour bénéficier d'une allocation plus longue pour les seniors... Dans un entretien à La Tribune du dimanche, le chef du gouvernement a dévoilé les détails d'une réforme visant à "créer toujours plus de travail dans notre pays". Elle doit entrer en vigueur au 1er décembre, via un décret qui sera signé par le Premier ministre le 1er juillet.
Cette nouvelle réforme de l'assurance-chômage est décriée par les syndicats. Force ouvrière décrit auprès de l'AFP "le pire durcissement des conditions d'indemnisation qui soit mis en œuvre depuis toujours" quand Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, s'est inquiétée sur France Inter de "la réforme la plus violente qui va pénaliser absolument tout le monde". Le secrétaire général des cadres de la CFE-CGC François Hommeril a lui évoqué "une réforme populiste" sur RMC. Alors que le gouvernement espère économiser 3,6 milliards d'euros et créer 90 000 emplois, franceinfo fait le point sur les perdants des nouvelles règles.
Les jeunes et les plus précaires
Les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ou ceux qui travaillent de manière intermittente – job d'été, job étudiant, intérim... – seront parmi les plus touchés par la nouvelle réforme. Le gouvernement a en effet décidé de durcir les conditions d'ouverture des droits : à partir du 1er décembre, il faudra avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers pour être indemnisé, contre six mois au cours des vingt-quatre derniers actuellement. Ce nouveau durcissement (en 2019, il fallait avoir travaillé quatre mois sur les vingt-huit derniers mois pour être indemnisé) impactera particulièrement les primo-inscrits.
"Avec cette réforme, on va exclure les saisonniers, les jeunes qui travaillent l'été et ceux qui sont éloignés du monde du travail", avance Bruno Coquet, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L'économiste, qui juge que la réforme "vise à récupérer des ressources budgétaires", pourrait aussi porter préjudice à des jeunes en début de carrière, alors même que l'assurance-chômage "doit leur permettre d'avoir un revenu lors de leur recherche d'emploi afin de les aider à converger vers un travail stable".
Les bénéficiaires qui ont perdu leur emploi
"Cette réforme, c'est le carburant qui nous permettra de créer toujours plus de travail dans notre pays", s'est félicité le Premier ministre en présentant les contours de la réforme. Les syndicats craignent pourtant que ce nouveau durcissement vienne affaiblir l'ensemble des bénéficiaires, notamment ceux qui viennent de perdre un emploi. Car en plus du durcissement des conditions d'ouverture des droits, la réforme va réduire la durée d'indemnisation des bénéficiaires de France Travail.
La réduction de la période d'affiliation pour ouvrir des droits au chomâge (de vingt-quatre à vingt mois) va avoir un impact sur la durée d'indemnisation maximale, en vertu du principe de "contracyclicité" entré en vigueur en 2023. Elle sera réduite à quinze mois "dans les conditions actuelles" (contre dix-huit actuellement), c'est-à-dire si le taux de chômage se maintient en dessous de 9%, pour les chômeurs de moins de 57 ans. Cette durée maximale baissera encore si le taux de chômage baisse en dessous de 6,5% (il est à 7,5% actuellement).
"Ce qui est très original et singulier avec cette réforme, c'est que l'ensemble des salariés qui perdent un emploi stable sont concernés avec cette baisse à quinze mois. On a longtemps seulement visé ceux qui étaient en intermittence, les jeunes", analyse Mathieu Grégoire, professeur à l'université de Paris-Nanterre et spécialiste des questions liées à l'assurance-chômage.
Les seniors
Alors que les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord sur l'emploi des seniors, le gouvernement a décidé que l'âge pour bénéficier d'une allocation plus longue passerait à 57 ans. Cela fait suite au report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite. La durée d'indemnisation maximale de ces demandeurs d'emploi de 57 ans et plus passera aussi de vingt-sept à vingt-deux mois et demi.
Pour compenser, le Premier ministre a annoncé la création d'un "bonus emploi senior". Grâce à cette mesure, "un senior au chômage qui reprendra un emploi moins bien rémunéré que son emploi précédent pourra cumuler son nouveau salaire avec son allocation-chômage" et "retrouvera ainsi sa rémunération initiale, pendant un an", selon Gabriel Attal. Alors que Catherine Vautrin avait annoncé lundi sur BFMTV que ce complément versé par l'assurance-chômage devait compenser le manque à gagner pour les salaires jusqu'à 3 000 euros, le ministère du Travail a précisé à franceinfo qu'il n'y aurait finalement pas de plafonnement de ce bonus emploi senior.
Cette mesure est critiquée par les syndicats, qui y voient un cadeau au patronat et s'inquiètent de cette nouvelle réforme de l'assurance-chômage pour les seniors. L'Union syndicale Solidaires pointe auprès de l'AFP sa "brutalité absolue" pour les seniors, tandis que la CFTC, toujours à l'AFP, craint que les seniors ne soient "massivement renvoyés au RSA".
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