L'application Slack peut-elle sauver votre vie de bureau (et remiser les e-mails au placard) ?
Ce nouvel outil de messagerie professionnelle promet de rendre les courriels obsolètes. Vraiment ? Francetv info a interrogé des entreprises qui l'ont adopté.
En quelques mois, il est devenu la coqueluche des start-up (et de francetv info). Slack, outil de messagerie professionnelle ouvert au public en février 2014, a conquis les entreprises du net grâce à une promesse qui a de quoi faire rêver presque n'importe quel salarié : mettre un terme à la surcharge d'e-mails qui encombrent nos boîtes professionnelles.
A la manière d'un chat rappelant l'IRC des années 1990, mais modernisé à grand renfort de mots-dièses et d'emojis, l'application permet d'échanger des messages entre collègues dans des conversations privées ou à l'intérieur de canaux thématiques déclinables à l'infini. On peut également y échanger des fichiers, et y connecter d'autres services comme Google Docs ou Twitter. Une formule "tout-en-un" qui rencontre son public, puisqu'à l'heure de son deuxième anniversaire, Slack revendique un nombre d'utilisateurs quotidiens de 2,3 millions dans le monde.
Le service, créé par un entrepreneur déjà à l'orgine de la plateforme de partage de photos Flickr, pourrait même être valorisé à 4 milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) à l'occasion de sa prochaine levée de fonds, rapporte Bloomberg (en anglais), mercredi 2 mars. A-t-il vraiment trouvé la formule magique pour rendre plus agréable la vie de bureau ? Francetv info, qui utilise Slack depuis novembre 2015, a posé la question à des utilisateurs.
Oui, elle soulage vraiment votre boîte mail
Plutôt que de créer une interminable chaîne d'e-mails pour organiser la moindre réunion avec vos collègues de la comptabilité, Slack permet aux salariés d'un même service de rejoindre un canal de chat spécifique, où les informations s'échangent rapidement et les nouveaux messages sont signalés par une discrète notification.
Une solution qui séduit Jean-Marc Charles, directeur technique de BlaBlaCar. "Revenir en arrière ? Jamais !" sourit celui qui a rejoint l'actuel leader du covoiturage alors que l'entreprise ne comptait que cinq personnes. Afin de mieux coordonner la communication entre les plus de 400 salariés répartis dans 22 pays, la start-up a adopté Slack il y a deux ans.
"Nous avons un canal général, consultable par tous et sur lequel tout le monde peut publier des informations concernant la boîte. Ensuite, chaque département a son propre canal, et nous en créons de nouveaux pour chaque projet que nous développons, et où se retrouvent les salariés concernés", explique-t-il à francetv info. Les développeurs de BlaBlaCar apprécient le système, qui ne surcharge pas leur boîte mail, assure Jean-Marc Charles.
L'explication est à peu près identique du côté du site d'information Slate.fr. "Avant de passer à Slack à la rentrée 2015, nous nous servions énormément de nos e-mails personnels dans le cadre du travail", reconnaît le rédacteur en chef Jean-Marie Pottier. "On se retrouvait régulièrement avec des chaînes qui étaient interminables, et surtout mal ajustées. Les discussions étaient envoyées à toute la rédaction, y compris à ceux qui pouvaient être malades ou en vacances ce jour-là", continue le journaliste. En obligeant l'utilisateur à se connecter au service pour consulter les messages publiés dans les différents canaux, Slack règle ce problème. Avec un succès certain : à francetv info, le nombre de mails collectifs échangés est passé d'une dizaine par jour à un ou deux par semaine.
Le rédacteur en chef de Slate.fr regrette toutefois que l'application n'affiche et ne permette d'effectuer des recherches que parmi les 10 000 derniers messages qui y sont publiés. Pour faire disparaître cette limite, il faut passer à la caisse, à raison de 6 dollars (environ 5,5 euros) par mois et par utilisateur. "L'addition peut rapidement grimper, mais pouvoir retrouver de vieux messages serait tellement pratique que l'on envisage de passer à la version payante", ajoute Jean-Marie Pottier.
Oui, elle permet de mieux dialoguer au travail
En articulant sa plateforme autour de canaux thématiques, dont la liste des participants est personnalisable, Slack facilite le dialogue autour de projets précis. Francetv info utilise par exemple un canal permettant aux journalistes de partager avec leur collègue qui anime le fil d'informations en direct les bonnes histoires glanées sur le web, et un autre sur lequel sont proposées les idées d'articles plus fouillés. Le ton général des messages, rendu plus léger par l'instantanéité, permet également une résolution plus fluide des soucis du quotidien, argumentent les adeptes du service.
"Sur Slack, le niveau de langage est plus oral, plus direct. Cela favorise l'autonomie des équipes", confirme Jean-Marc Charles. "Récemment, nous avions un problème technique avec l'un de nos prestataires, se souvient le directeur technique de BlaBlaCar. Nous avions longuement échangé par mail, mais la situation ne s'améliorait pas. J'ai fini par inviter les salariés du prestataire dans le canal de notre équipe technique pour qu'ils puissent échanger directement ensemble, et le souci a été réglé dans la journée."
Slate.fr, qui a régulièrement recours à des chroniqueurs extérieurs, loue également ce système. "J'ai invité certains pigistes à rejoindre les canaux qui concernent leurs thématiques", explique Jean-Marie Pottier. "Comme nous avons de nombreux fans de musique au sein de la rédaction, nous disposons aussi d'un canal sur lequel nous nous échangeons les clips ou les nouveautés qui nous plaisent. Les chroniqueurs qui écrivent sur ce thème y participent et peuvent y trouver de l'inspiration pour des articles", poursuit le rédacteur en chef.
Non, elle ajoute (encore) de nouvelles sollicitations
Reste que contrairement à ce que claironne la vidéo de présentation de l'outil, Slack n'a pas permis de complètement remplacer les e-mails chez les entreprises interrogées par francetv info. Dans un long billet publié lundi 29 février sur Medium (en anglais), un utilisateur chevronné raconte même qu'après des mois d'utilisation, il a décidé de "rompre" avec Slack. Entre les messages légers ressemblant aux discussions autour de la machine à café et les sollicitations liées au travail, le bruit caractéristique des notifications de l'application finissait par sonner beaucoup trop souvent à son goût. "Je pensais que tu allais me soulager du flux torrentiel de messages, d'alertes et de notifications que je recevais chaque jour. (...) Mais c'est le contraire. CARREMENT le contraire, en fait. Avec toi, j'ai reçu plus de messages que jamais", se lamente-t-il.
Difficile en effet de compter sur Slack pour remplacer l'intégralité des moyens de communication que les salariés sont habitués à utiliser. "Quand survient un événement important sur lequel nous avons besoin d'être présents, je continue à envoyer un e-mail collectif à ma rédaction pour être certain que tout le monde soit averti", confirme Jean-Marie Pottier. "Parfois, tout cela se superpose et crée des situations absurdes : je n'ai pas de réponse sur Slack, donc j'envoie un message à un de mes collègues sur Gtalk [la messagerie instantanée de Google] puis je finis par aller lui parler 'pour de vrai'", sourit le rédacteur en chef de Slate.fr.
Non, c'est difficile de décrocher
Enfin, la présence systématique d'un canal général sur lequel sont souvent partagées les histoires drôles et autres private jokes de l'entreprise pousse souvent les salariés à se connecter sur Slack pour se tenir au courant des potins de bureau, même durant leurs congés (l'auteur de ces lignes peut en témoigner). Une fois en ligne, la tentation de consulter les autres messages non lus est grande.
"Sur Slack se crée un mélange entre le privé et le professionnel qui peut être un peu perturbant pour un 'vieux' dirigeant de 43 ans comme moi", avoue Jean-Marc Charles, de BlaBlaCar. "Par exemple, nous avons un canal où les salariés s'échangent leurs dernières découvertes musicales. Ces canaux-là, mais également les canaux professionnels, sont aussi animés le soir et le week-end. C'est quelque chose de naturel pour les membres de ce qu'on appelle la génération Y, qui jonglent entre les deux sans problème."
Du côté de Slate.fr, on déclare ne pas encourager cette pratique. "A la rédaction, Slack est imposé : il fait partie intégrante de notre circuit de relecture. En revanche, je ne demande pas à mes journalistes d'y être connectés en dehors de leurs heures de travail et je n'ai demandé à personne d'installer l'application pour consulter Slack sur son smartphone", explique Jean-Marie Pottier. Qui confesse que certains journalistes ont tout de même pris l'initiative de le faire personnellement.
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