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Agriculture : conséquence de la hausse du prix du gaz, certains engrais coûtent "trois fois plus cher que l'an dernier"

Avec la hausse du prix du gaz, le prix des engrais fabriqués à partir d'azote a triplé en quelques mois, ce qui met les agriculteurs céréaliers en difficulté pour la prochaine récolte. 

Article rédigé par franceinfo - Victoria Koussa
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Épandage d'engrais azoté sur du blé tendre en fin de floraison, le 30 mai 2018.  (CHRISTIAN WATIER / MAXPPP)

C'est dans le grand bâtiment à Saint-Antoine-sur-L'Isle (Gironde) que Daniel Philippe stocke des dizaines de sacs d'engrais azotés. Il s'agit de petites granules blanches que le céréalier doit répandre dans quelques mois sur ses 150 hectares de culture de maïs. Mais pour la première fois en cette période de l'année, sa réserve est à moitié vide. "Il faut commander le reste mais les prix deviennent fous, se désole l'agriculteur, J'ai payé 250 euros la tonne d'ammonitrate pour les maïs cultivés en 2021, aujourd'hui on est à 750 euros la tonne. C'est trois fois les prix de l'an dernier !"  

C'est l'une des conséquences de l'augmentation du prix du gaz. Le coût de l'engrais azoté, produit à partir du gaz, a triplé en quelques mois. La saison s'annonce donc difficile pour de très nombreux agriculteurs, essentiellement céréaliers, qui dépendent de ce fertilisant à base d'azote pour l'épandage d'hiver avant la récolte au printemps. Et cette augmentation s'ajoute aux autres. "Les engrais c'est spectaculaire mais le carburant c'est 25 ou 30% de plus, rappelle Daniel Philippe, Les prix des semences sont aussi en hausse. Les produits phyto-pharmaceutiques sont faits à partir de pétrole et de gaz, ça ne me surprendrait pas qu'ils augmentent aussi." 

Il manque encore la moitié du stock d'engrais azotés que Daniel Philippe doit répandre dans quelques mois sur ses 150 hectares de maïs à Saint-Antoine-sur-L'Isle (Gironde), le 4 novembre 2021. (VICTORIA KOUSSA / RADIO FRANCE)

Risque de pénurie d'engrais cet hiver

Daniel Philippe suit tous les jours l’évolution des prix sur internet. Et il préfère attendre avant d'acheter l'engrais. "Je pense que j'achèterai parce qu'il ne m'en manque pas énormément à titre personnel, mais celui qui n'aurait pas anticipé ne pourra pas", prévient le céréalier. 

"On arrive à de tels niveaux de prix que je n'ose même plus acheter aujourd'hui. Je me laisse jusqu'au moment où les fournisseurs me diront 'si tu n'achètes pas tu n'en auras plus'."

Daniel Philippe, céréalier en Gironde

à franceinfo

Comme lui, de nombreux céréaliers retardent leurs achats. Ce qui laisse craindre une pénurie cet hiver, car en parallèle les fabricants réduisent leur production. C'est le cas du groupe norvégien Yara, l’un des leaders du marché. Seule l’une de ses trois usines à Ambès, à 50 kilomètres de chez Daniel, maintient le même niveau de production. "Nous sommes capables actuellement d'ensacher plus de 2 100 tonnes par jour", assure le directeur Denis Barthouet. 

Pour autant l’entreprise dépend du gaz, qui représente 80% du coût de production de l’ammoniaque dont elle se sert pour fabriquer son engrais. Elle subit donc l’envolée des prix. Elle doit donc d'ores et déjà réfléchir à l’après. "La crise énergétique débouche sur une crise alimentaire, affirme Nicolas Broutin, président de Yara France, il faut donc qu'on travaille dans le futur à trouver d'autres sources de façon à fabriquer des engrais. Je pense par exemple à l'hydrogène vert." D’autres alternatives existent déjà en bio avec des engrais organiques telles que les fientes de poules ou la poudre d’algues marines mais elles sont souvent difficiles à concilier avec l’agriculture intensive.

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