Glyphosate : "L'Union européenne ne résiste pas suffisamment aux lobbies" estime Foodwatch
Alors que la Commission européenne pourrait se prononcer sur un éventuel renouvellement de l'autorisation de glyphosate, la directrice générale de Foodwatch, Karine Jacquemard, estime que "le principe de précaution devrait s'appliquer quels que soient les efforts de Monsanto".
Des experts de la Commission européenne se réunissent jeudi 5 octobre pour se prononcer sur un éventuel renouvellement de l'autorisation du glyphosate, l'herbicide le plus utilisé dans le monde. Il est accusé d'être potentiellement cancérogène par l'OMS. Le renouvellement de sa licence est l'enjeu d'âpres discussions entre les Etats membres à Bruxelles.
Certains pays voudraient l'interdire totalement comme l'Italie, d'autres souhaiteraient une disparition progressive, en attendant un produit de substitution. La France s'oppose à un renouvellement d'une licence pour 10 ans. Karine Jacquemard, directrice générale de Foodwatch a estimé jeudi sur franceinfo que l'Union européenne "ne résiste pas suffisamment aux lobbies". Selon elle, "le principe de précaution devrait s'appliquer" et "la décision ne peut pas être retardée d'avantage."
franceinfo : Une décision sera-t-elle enfin prise sur le glyphosate ?
Karine Jacquemard : Jusqu'à maintenant, depuis 2015, ils n'ont pas prouvé qu'ils étaient capables de prendre une décision claire sur ce sujet. On attend de voir. Il n'y aura certainement pas de vote cette semaine. Ça va être une discussion de plus dans un cheminement qui, on l'espère, aboutira à l'interdiction du glyphosate.
Les révélations du journal Le Monde, selon lesquelles, la firme Monsanto aurait sciemment manipulé des publications sur le glyphosate avec l'accord de scientifiques, ne va pas améliorer la confiance envers les experts...
La situation est que la glyphosate est la substance herbicide la plus utilisée au monde et notamment dans le produit phare de Monsanto, le Round-up. Donc pour eux, les enjeux financiers sont absolument colossaux.
Les lobbies de l'industrie adorent semer le trouble. Ils utilisent tous les moyens pour semer le doute scientifique.
Karine Jacquemard, directrice générale de Foodwatchà franceinfo
Aux Etats-Unis, il se trouve que la preuve doit être apportée par les défenseurs de la santé publique. On doit prouver scientifiquement qu'un produit est dangereux. En Europe, on a le principe de précaution. C'est pour cela que je ne comprends pas que la situation soit trouble. En Europe, contrairement aux Etats-Unis, la charge de la preuve est sur le fabricant. A partir du moment où il y a un doute scientifique, on devrait interdire cette substance. Or, le Centre International de la Recherche sur le Cancer, qui dépend de l'OMS, a annoncé que ce produit était potentiellement cancérogène pour l'homme donc le principe de précaution devrait s'appliquer quels que soient les efforts de Monsanto.
L'UE est-elle capable de résister aux lobbies ?
Foodwatch se porte comme un contre-pouvoir citoyen face à ces lobbies qui sont extrêmement puissants. Non, on voit que l'Union européenne ne résiste pas suffisamment aux lobbies. En plus, on vient d'accepter un accord de commerce avec le Canada, le CETA. L'influence directe et indirecte des lobbies sur nos décisions démocratiques par rapport aux pesticides, par rapport à ce qu'on met dans nos assiettes, par rapport aux OGM, va être agrandie. On a un double problème qui va être aggravé par ces accords de commerce.
La position de la France, qui demande un prolongement de l'autorisation le temps de trouver un produit de substitution, vous semble-t-elle cohérente ?
Il y a un grave problème de cohérence et surtout ce n'est pas acceptable. On cherche à nous faire croire que ça serait une position brutale d'interdire la réautorisation du glyphosate. C'est absolument faux. Le glyphosate était autorisé dans l'UE jusqu'en 2015. Il était connu qu'il y avait cette date butoir depuis fort longtemps (…) On doit prendre cette décision de santé publique sur le principe de précaution de ne pas réautoriser le glyphosate.
Des agriculteurs disent qu'il n'y pas d'alternative…
Il y a des alternatives. Il y a des agriculteurs qui font de l'agriculture biologique qui n'ont pas besoin d'utiliser ce genre de substances. Après sur des grandes surfaces, il faudra autre chose. On demande à ce qu'il ait une décision claire et implacable du gouvernement de la France qui doit se prononcer pour la non-réautorisation du glyphosate. Cela suppose un plan d'accompagnement des agriculteurs et soyons très clair avec ça. Ce n'est pas la même chose que de dire "parce qu'il faudra un plan d'accompagnement des agriculteurs, nous allons retarder la décision". La décision ne peut pas être retardée d'avantage.
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