Les fermiers et commerçants britanniques face à l'incertitude du Brexit
Le gouvernement britannique presse les entreprises de se préparer au Brexit. Pour les commerçants du Borough Market de Londres, l'incertitude plane toujours sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Europe.
Le Royaume-Uni doit sortir de l'Europe le 1er janvier prochain. Mais fermiers et vendeurs de nourriture ne savent toujours pas à quoi ils doivent se préparer.
Quand il déambule dans son marché, au sud-est de Londres, on remarque Darren Henaghan. Il est connu de tous les commerçants, c’est lui le directeur du Borough Market. Et quand on lui parle du Brexit, on devine derrière son masque un sourire de dépit : "On en parle depuis trois ans et demi c’est ça ? Pour être franc, on en a marre, explique-t-il. Tout ce que mes commerçants veulent savoir, ce sont les nouvelles règles. Qu’ils puissent planifier, investir, changer et s’adapter."
Une clientèle habituée aux produits d'ailleurs
Ici, l’origine des produits est clairement identifiée, c’est même un argument de vente. Ce marché haut de gamme est très apprécié des touristes, et compte plus de 20 millions de visiteurs chaque année. Lindsay Goughlan y vend toutes sortes de viandes avec sa firme qui annonce la couleur jusque dans son nom. Elle exporte ses produits, elle en importe aussi. Beaucoup de viande française, elle se rend régulièrement au marché de Rungis. Si demain, il faut payer d’importants droits de douanes, elle pense que les consommateurs suivront jusqu’à un certain point. Ce qu’elle redoute, c’est de devoir réduire son activité. "Si je retire certaines marchandises françaises, je vais avoir des problèmes avec ma production britannique, détaille-t-elle. Mes clients français vont me dire : 'Lindsay, tu ne prends plus mon poulet de Bresse ? Ni ma côte de veau ? Alors, je n’achète plus tes saucisses'. Et là c’est l’effet domino… "
La crainte d'une importation de moins bonne qualité
Un effet domino qui pourrait même tourner au jeu de massacre en cas de "no deal", d'absence d'accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Le bluff, les effets de manche, les négociations qui n’en finissent pas… Ces commerçants en ont marre. Dominic McCourt est boucher et aussi fermier. La viande qu’il vend sur le marché est celle qu’il élève dans la ferme familiale du centre de l’Angleterre. Ses steaks sont 100% made in England, avec des méthodes traditionnelles : traçabilité, identification du bétail, alimentation saine.
Mais si demain les standards européens disparaissent, se profile la crainte d’importation de viande pas chère et de piètre qualité. Le poulet au chlore, le bœuf aux hormones, voilà ce que craint Dominic, sans pouvoir y faire grand-chose, sauf parler avec ses clients : "Je pense que la mission, c’est l’éducation des gens pour qu’ils se renseignent sur l’origine de la nourriture : le pouvoir est entre les mains des consommateurs."
Au-delà du business se pose aussi une question de santé publique. Quelles règles imposées à ceux qui produiront la nourriture vendue au Royaume-Uni à partir du 1er janvier ? À cette question pour l’heure, il n’y aucune réponse.
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