Prix de l'alimentation : ce que la FNSEA reproche à la grande distribution, accusée de "triche" au détriment des agriculteurs
Alors que les prix des produits alimentaires flambent dans les rayons, la FNSEA accuse la grande distribution de ne pas rémunérer justement les producteurs. Franceinfo vous explique comment se déroulent les négociations en coulisses.
Vous l'avez sans doute remarqué au supermarché, les produits alimentaires sont de plus en plus chers. Les causes sont multiples et bien connues : la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et plus récemment la sécheresse. Sauf que cette hausse des prix, les producteurs, les agriculteurs, n'en profitent pas. Du moins, c'est ce qu'ils affirment. La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert va plus loin et dénonce, lundi 5 septembre, sur franceinfo "la triche et les pratiques illégales de certains grands distributeurs". De son côté, Michel-Edouard Leclerc avait assuré jeudi sur franceinfo que Christiane Lambert l'appelait en privé pour "écouler la production française" alors qu'en public, elle affichait "un discours purement syndical".
Les distributeurs "ne jouent pas le jeu" des lois Egalim
Les dernières lois Egalim, issues des états généraux de l'alimentation, sont censées protéger les agriculteurs ou en tout cas protéger leur revenus afin qu'ils puissent maintenir leur activité et nourrir la population. C'est ce que l'on appelle la souveraineté alimentaire, l'un des nouveaux portefeuilles du ministre de l'Agriculture.
Mais selon Christiane Lambert, la président de la FNSEA, invitée de franceinfo lundi 5 septembre, la grande distribution ne joue pas le jeu : "Ils refusent d'augmenter les prix de nos produits agricoles alors que toutes nos charges ont explosé : plus 26 % pour les charges de production agricoles, selon l'Insee. Et les distributeurs parlent de plus 2, 3, 4%."
"Évidemment, certains agriculteurs sont dans le rouge en production laitière, en production porcine, pour les fruits et légumes aussi. Et si on perd ces exploitations-là, ces fermes, elles ne rouvriront jamais leurs portes."
Christiane Lambert, présidente de la FNSEAà franceinfo
Christiane Lambert participe au comité de suivi des négociations commerciales et elle emploie des mots durs au sujet de l'attitude de la grande distribution : "Je vois la triche et les pratiques illégales de certains grands distributeurs. C'est proprement scandaleux. Autant ils ont joué le jeu au début de la crise Covid, autant aujourd'hui ils sont revenus à leurs vieilles habitudes d'optimisation financière pour eux, en niant totalement les réalités économiques."
Les comités de suivi ne jouent pas leur rôle
Comment fonctionne ce comité de suivi dont parle Chritiane Lambert ? Les prix de l'agroalimentaire sont normalement fixés lors de négociations commerciales qui ont lieu tous les ans, entre la Toussaint et la fin février. Elles ont lieu entre industriels et représentants de la grande distribution uniquement, les agriculteurs ne sont pas conviés. En d'autres termes, c'est "Monsieur Nutella" qui va voir "Monsieur Casino" ou "Monsieur Carrefour" pour parler des volumes et des prix de l'année à venir, mais aussi des promotions. Ces négociations sont strictement encadrées par la loi Egalim qui interdit par exemple de brader les denrées alimentaires au delà de 34% de réduction.
Tel est le canevas général. Si la situation change, si tel ou tel secteur se met à flamber, il est parfaitement possible de rouvrir des négociations. C'est ce qui est arrivé mi-mars. Le ministère de l'Agriculture, qui supervise tout ça, a fait signer une charte de bonne conduite au printemps. Il y a, depuis, des réunions hebdomadaires, ces fameux comités de suivi. Que se passe-t-il depuis ? Les mauvaises langues diront : pas grand chose.
Selon Christiane Lambert, les distributeurs "ne respectent pas" la charte d'engagement qu'ils ont signé dans le cadre du comité de suivi hebdomadaire. "Ils facturent des pénalités logistiques aux industriels, ils commandent plus que ce dont ils ont besoin et ils facturent des pénalités aux industriels qui n’arrivent pas à tout livrer", explique-t-elle. Citant les chiffres de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), elle estime le coût de ces pénalités à "200 millions d'euros pour l’an dernier". "C'est scandaleux", déplore-t-elle.
Ce qui est sûr, c'est que le ministère maintient la pression. La grande distribution accepte tout de même quelques hausses de tarifs. Mais on est loin du compte explique l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), qui représente les industries de l'alimentation. Elle réclame en moyenne 8% de hausses, sachant que l'on est actuellement autour de 6%, sans prendre en compte l'explosion des prix de l'énergie.
Au ministère, on explique pudiquement que "le secteur de l’alimentation subit des tensions liées à la logistique, à l’approvisionnement en matières premières agricoles, à l’énergie". Gouvernement, agriculteurs, industriels comme distributeurs, aucun acteur ne veut absorber seul la crise.
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