Loi de programmation militaire : "Une loi d'urgence, de régénération, de rattrapage"
L'ancien colonel Michel Goya estime jeudi sur franceinfo que la loi de programmation militaire présentée en Conseil des ministres est "quelque chose qui n'a jamais été aussi ambitieux".
La loi de programmation militaire est présentée jeudi 8 février en Conseil des ministres. Ce texte va définir le budget de l'armée pendant six ans. On sait déjà qu'entre 2019 et 2025 l'État consacrera 295 milliards d'euros à la défense. Pour Michel Goya, ancien colonel des troupes de marines, spécialiste des questions militaires, interrogé sur franceinfo, cette loi va essayer de "combler des trous qui se sont accumulés depuis un certain nombre d'années."
franceinfo : S'agit-il, selon vous, d'un effort budgétaire inédit comme l'a annoncé Emmanuel Macron ?
Michel Goya : Oui, effectivement c'est un effort inédit. Peut-être que, s'il est respecté, on sortira de cette crise des financements que connaît la défense depuis pratiquement la fin de la Guerre froide, depuis les années 1990. Pour l'instant, c'est quelque chose d'ambitieux et qui n'a jamais été aussi ambitieux.
Pierre de Villiers, ancien chef d'état-major des armées, dit qu'il faut être vigilant, que l'État est rarement fidèle à ses engagements initiaux. Est-ce vraiment le cas ?
Oui, il a raison. Dans une loi de programmation militaire, il faut beaucoup plus retenir "programmation" que "loi". C'est surtout une projection sur l'avenir. Or quasiment aucune n'a été respectée dans le passé, pour des raisons simples. Il est difficile de planifier pour cinq ans à l'euro près alors que l'environnement est complexe et changeant et que beaucoup de choses peuvent se passer, dans différents domaines, stratégiques et économiques. En même temps, le budget de la défense reste une proie facile dès lors qu'il y a des économies à court terme à faire. Encore une fois, aucune loi n'a été intégralement respectée donc il s'agit de rester prudent.
La priorité semble être l'amélioration du quotidien du soldat, la modernisation de son équipement. Est-ce que ça veut dire que l'esprit de la loi change ?
L'esprit, fondamentalement non, même si initialement la loi de programmation avait pour objet premier la force de frappe nucléaire. Puis cela s'est élargi à l'ensemble des équipements et à l'ensemble de la vie militaire. Maintenant, ce budget va intégrer le financement des opérations extérieures, ce qui est nouveau. Qu'il intègre la condition de vie, c'est normal; Qu'il y ait un effort à faire est aussi une urgence. En réalité, cette loi de programmation est une loi d'urgence de régénération, de rattrapage. Il n'y a rien d'extraordinaire, on essaie de combler des trous qui se sont accumulés depuis un certain nombre d'années.
Des trous dus à l'engagement de l'armée au Sahel, au Levant et en France avec l'opération Sentinelle ?
C'est une partie du problème, mais en réalité le problème date de bien avant, c'est une crise très longue. Cette crise débute à partir du moment où on décide de diminuer les forces de défense au début des années 1990, alors qu'on était en train de renouveler nos équipements et qu'on lançait de grands programmes. Depuis cette époque, on est dans une crise de financement, on n'arrive pas à payer tous ces grands programmes comme les avions Rafale, les porte-avions, les véhicules ou encore les hélicoptères d'attaque. Au bout d'un moment se sont accumulés un certain nombre de manques. Ce qui est inédit dans cette loi de programmation, c'est qu'on va porter un effort plus fort et plus rapide que prévu sur certains équipements très précis et pour lesquels il y avait un manque criant.
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