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Opération Barkhane au Sahel : les convoyeurs du désert

Près de quatre ans après son lancement, où en est l'opération Barkhane ? franceinfo a suivi un convoi au Mali, aux côtés des militaires français. 

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Deuxième jour de convoi. Départ du camp français d'Indelimane.  (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)

Ils sont 4 500 militaires français encore positionnés au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, lancée il y a quatre ans. Franceinfo a suivi le convoi des soldats du groupement tactique logistique, aussi appelés les convoyeurs du désert.

Opération Barkhane au Sahel : les convoyeurs du désert. Reportage de Franck Cognard, avec Eric Audra aux moyens techniques

Ils ont avalé 8 000 km de pistes de sable en quatre mois - la durée d’un mandat ici - pour acheminer 13 000 tonnes de vivres et de matériel. Le convoi que franceinfo accompagne comprend 50 véhicules, le poids-lourds bâché, des porte-conteneurs, des blindés de commandement, d’escorte. Il y a 210 kilomètres à parcourir. La dernière fois, cela avait pris cinq jours à ces convoyeurs sur cette piste qui est surnommée la route de la mort. En février dernier, deux soldats français ont été tués sur le trajet qui va de Ménaka à Gao. Pour les femmes et les hommes de Barkhane, c’est l'une des zones les plus "chaudes" du Mali.

Ces groupes armés terroristes, ils vont être rapidement renseignés sur nos mouvements. Il nous a été dit que c’était des spécialistes de la pose IED. On va avoir de la mine.

Le chef de convoi, indicatif "Sherkan"

franceinfo

Camp de Ménaka. Dernier briefing avant la départ.  (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)

Les IED, ce sont des mines artisanales, c’est le principal danger sur cette RN20 qui est en fait une piste de sable, de pierre, de bosse. L’itinéraire est ouvert par un drôle de tracteur haut-perché, qui pousse devant lui une sorte de herse. C’est une assurance-vie commandée par le lieutenant Antoine. "Ça, c’est le suivi, c’est notre véhicule phare de la section. Il va leurrer un véhicule, il va se comporter comme un véhicule, il va déclencher les engins explosifs en préservant totalement la vie du pilote puisque le pilote est plus en arrière, plus en hauteur. C’est vraiment fait pour déclencher les engins explosifs qu’il pourrait y avoir sur l’itinéraire. Concrètement, le convoi est rassuré d’être derrière nous, très rassuré de suivre nos traces", explique le militaire.

Tempête de sable, crevaisons, tirs de mortiers

Huit heures de pistes cassantes et 90 kilomètres plus tard, c’est le camp d'Indeliman. Un mur d’enceinte, du sable et 50 degré à l’ombre. Le médecin consulte, vérifie les constantes, la tension, la fréquence cardiaque des soldats. Plus loin, les mécanos auscultent leurs engins. 

>> Opération Barkhane : rencontre avec une médecin de l'armée française

Le capitaine Alexandre, chef de convoi, dresse le bilan du jour : "On a fait un mouvement dans de très bonnes conditions, quelques incidents techniques avec des pistes qui sont en mauvais état, très cabossés. Cela a occasionné des contraintes techniques sur le châssis des véhicules, sur les pneumatiques aussi, puisque ce matin on a eu beaucoup de crevaisons."

Convoi des forces françaises Barkhane, au Sahel. (ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES)

À la nuit tombée, les convoyeurs délaissent les rations de combat et sortent les gamelles pour un repas amélioré. Douche rapide à la bouteille et à 21 heures et tout le monde dort, sauf la garde. A minuit, réveil général, une tempête de sable s’est levée. C’est le seul incident notable. Le sergent Thibault a connu plus grave. "On a toujours des évènements qui nous ont marqués. Sur Kidal par exemple, des tirs de mortiers", se souvient-il. Malgré tout, il faut garder le sourire. "De toute façon pas le choix, il faut rester souriant que cela soit pour nos mecs, si tout le monde commence à tirer la gueule, on n’a pas fini", explique le sergent.

Une vigilance de chaque instant

Il est 5 heures du matin. Le convoi reprend la piste. Redémarrage des camions et des blindés de l’escorte du lieutenant Mathieu : "Il y a des éléments qui sont dans le convoi, il y a des éléments qui gravitent autour. On ne prend rien à la légère. Ça peut être le simple berger qui se promène autour du convoi parce que sa maison n’est pas très loin, ça peut être la moto, le camion qui passe,..."

Tout peut être une menace, tout peut être déguisé. La bulle de sécurité du convoi, on essaie de la maintenir hermétique.

Lieutenant Mathieu

à franceinfo

Un convoi, "on sait quand ça part, mais jamais quand ça arrive", dit un dicton de convoyeur. Pourtant, ce jour-là, après douze heures de route, c’est le kilomètre 210, c’est-à-dire Gao, et la base française, ses douches et ses tentes climatisées après des heures dans des blindés où la température peut monter jusqu’à 70 degrés. Mais le lendemain, pas de grasse matinée, il faut décrasser, inspecter après quatre mois de mission, dont les deux tiers passés à rouler. "Beaucoup de casse sur les véhicules et cela prend en général beaucoup de temps, voire souvent, on ne revoit plus les véhicules, ils sont cassés, note le sergent Thibault. 

Il faut savoir que c’est le dernier convoi, cela fait plaisir. Je ne vais pas mentir, on est toujours content de revenir et de se dire que le retour en France est tout proche.

Sergent Thibault

à franceinfo

En quelques adjectifs, le lieutenant Adrien résume ces quatre mois : "Rustique... Beaucoup de sable... On a affronté pas mal de tempêtes... Ça a été une mission assez dure, compliqué pour le matériel et pour les hommes." Il y a quelques semaines, deux convoyeurs ont sauté sur une mine, sans gravité, leur blindage les a sauvés. "Mes soldats n’ont pas été bons, ils ont été excellents", conclut le capitaine Alexandre en souriant. Pourtant, il y a eu les blessures, la chaleur, les ensablements et les casses. "Ça donne le sel du convoi, le piquant, même si à la fin de toute façon on retiendra plutôt que les bonnes choses, c’est normal", explique le militaire pour qui le Mali  reste "une belle aventure".

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