Gardes à vue : des conditions d'accueil "indignes" selon la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté qui épingle le ministère de l'Intérieur
Dans un rapport publié mardi au Journal officiel, Dominique Simonnot réclame la mise en place d'une politique gouvernementale pour améliorer les conditions d'accueil des gardes à vue en France.
La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce "la totale indignité des conditions d'accueil dans les locaux de garde à vue", dans un rapport publié mardi 21 septembre au Journal officiel. Dominique Simonnot accuse le ministère de l'Intérieur d'une "absence manifeste de volonté d'évolution" qui ne peut s'expliquer uniquement par les économies et les limites budgétaires. Elle réclame également une "politique globale de réhabilitation des locaux de police et d'amélioration de l'hygiène" dont elle fera un "suivi attentif".
Moins d'1 m² par personne dans certaines cellules
Le rapport note que, "dans la plupart des commissariats contrôlés", "plusieurs personnes étaient amenées à partager la même cellule, parfois durant toute une nuit, dans des conditions de promiscuité indignes". Jusqu'à six personnes peuvent être placées dans une cellule de 5 m². Certaines sont donc "contraintes de se coucher à même le sol, qui est généralement souillé, au mieux en se partageant un matelas ou une couverture quand il y en a, au pire directement sur le béton".
En plus d'être trop petites, les cellules sont "bien souvent dégradées et couvertes de graffitis" et sont "dans un état de saleté innommable et dégagent des odeurs pestilentielles". Les toilettes, qu'elles soient dans les cellules ou à l'extérieur, "sont régulièrement bouchées et souvent de longue date". Leur "odeur insoutenable et l'accumulation de crasse et de résidus douteux rend leur nettoyage impossible et leur utilisation totalement indigne".
17 commissariats visités
Le rapport déplore un sérieux manque d'hygiène, notamment concernant les matelas qui sont partagés et "jamais nettoyés et encore moins désinfectés", mais aussi des douches "hors d'usage dans la plupart des commissariats" où il y en a, une absence de protocole sanitaire pendant la pandémie puisque les individus ne peuvent pas se laver les mains ni se les désinfecter, respecter ni les gestes barrières ni la distanciation physique du fait de leur promiscuité, et en général d'un accès "très limité" à l'eau potable.
Les contrôleurs ont visité 17 commissariats entre novembre 2020 et juillet 2021, dont six du ressort de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et les autres du ressort de la préfecture de police. Alors que des commissariats, de l'Aisne, de l'Hérault, du Rhône et de l'Yonne ont aussi été visités, la Contrôleuse générale souligne que les locaux les plus problématiques sont situés à Paris et en Seine-Saint-Denis, puis à Tourcoing et Calais.
Un état des lieux "régulièrement dénoncé" depuis 2008
Dominique Simonnot estime que cet état des lieux est "parfaitement connu" du ministère de l'Intérieur et que, malgré ses réponses réitérées, "l'absence totale de prise en compte des sujets portant sur l'hygiène (nettoyage des cellules, matelas, couvertures, distribution effective de kits d'hygiène, accès au gel hydroalcoolique, renouvellement des masques, etc.) démontre une absence manifeste de volonté d'évolution, que seule les considérations budgétaires ne sauraient justifier", accuse-t-elle.
En conclusion, le rapport recommande de limiter le nombre de personnes dans les locaux de garde à vue en fonction de la taille de ces locaux, de les entretenir et d'y maintenir de bonnes conditions d'hygiène, d'avoir une banquette ou un matelas par personne, d'informer les gardés à vue de la possibilité de recevoir un kit d'hygiène et de se laver, de faire respecter les mesures sanitaires et de ne pas placer d'individus en garde à vue dans des locaux non conformes à ces recommandations.
La réponse du ministère de l'Intérieur
Dans un courrier adressé à la CGLPL, Gérald Darmanin rappelle que 14,7 millions d'euros de travaux ont été réalisés et sont prévus dans la période 2019-2024 dans les locaux de garde à vue. Le ministre de l'Intérieur conteste la véracité du rapport, en soulignant qu'il se fonde"sur la visite d'un nombre limité de locaux sur un total de 646 hôtels de police et commissariats".
Car au quotidien selon Gérald Darmanin, "l'obligation de traiter avec dignité les personnes gardées à vue est rigoureusement respectée", notamment par un nettoyage renforcé des geôles et par la mise à disposition de kits d'hygiène, comme le demande Dominique Simonnot.
Enfin le ministre de l'Intérieur rejette la faute sur les gardés à vue, responsables selon lui des "dégradations", sans compter que "l'augmentation du nombre de personnes placées en garde à vue n'aide pas à entretenir les locaux".
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