Justice : le Syndicat de la magistrature réclame "des recrutements au maximum des capacités des écoles pour sortir la tête de l'eau"
Un journée d'action des magistrats et avocats a lieu ce mercredi. Ils dénoncent un manque de moyens qui ralentit considérablement le processus judiciaire et appellent à recruter d'urgence des magistrats et des fonctionnaires de greffe.
"La justice est largement sous dotée, les recrutements ont plutôt décru ces dernières années", a expliqué sur franceinfo mercredi 15 décembre Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, alors qu'un appel à une "mobilisation générale pour la justice" a été lancé par des magistrats, avocats, fonctionnaires qui demandent "des engagements sur les effectifs".
franceinfo : Vous demandez toujours plus de moyens. Vous n'avez pas obtenu ce que vous vouliez ?
Katia Dubreuil : La justice est largement sous dotée, il y a un gap énorme entre le nombre de magistrats et le nombre de fonctionnaires de greffe qui sont dans les juridictions et ce qu'il faudrait pour que la justice puisse rendre ses missions dans des délais raisonnables, avec le temps d'expliquer ses décisions, c'est ce qui fait défaut aujourd'hui.
Comment s'exprime ce manque de moyens ?
Quand on s'épuise à travailler sur ses soirées, ses week-ends, quand on dit qu'on va poser une semaine de vacances pour pouvoir traiter ses dossiers et que malgré tout on rend des décisions, par exemple en matière de droit de la famille, sur des questions de garde des enfants, des mois, voire des années après le moment où les justiciables en auraient besoin, on se demande quel est le sens de nos fonctions.
Le gouvernement assure qu'il a créé beaucoup de postes de magistrats, beaucoup plus que lors des deux quinquennats. Que répondez-vous ?
Dans les chiffres qui sont donnés, il y a des confusions qui sont faites. Les recrutements qui ont eu lieu de façon massive ces dernières années sont des recrutements de contractuelles, ce ne sont pas des magistrats, ni des fonctionnaires de greffes. Donc, ce ne sont pas des personnes qui peuvent tenir des audiences, ou rendre des décisions, même s'il peut y avoir une aide intéressante qui peut être apportée par ces personnels-là. Il faudrait que leur statut soit revalorisé et que leurs conditions de travail soit meilleur. Dans la justice, il y a un statut d'indépendance des magistrats et des personnes au statut précaire que l'on peut prendre et jeter comme on le souhaite. Ce n'est pas satisfaisant. Il faut 31 mois pour former un magistrat, donc ceux qui arrivent en poste pendant ce quinquennat ont été recrutés sous le quinquennat précédent. Les recrutements ont plutôt décru ces dernières années notamment ceux des magistrats et des personnels de greffe.
La justice est régulièrement prise à partie et critiquée. Trouvez-vous cela normal ?
Oui c'est sûr qu'il y a des mises en cause récurrente de la justice. La justice est une institution fragilisée par ses conditions d'exercice, par les insuffisances par rapport au statut. Il faudrait que les garanties d'indépendance soient beaucoup plus claires, cela aiderait à la confiance des citoyens. Ces garanties ne sont jamais posées par les gouvernements successifs et cela donne des arguments pour pouvoir critiquer la justice et donc elle a bon dos pour assumer tous les dysfonctionnements. Mais si on ne lui donne pas les moyens c'est facile de critiquer. Il pourrait y avoir des investissements massifs en termes d'informatique parce qu'on travaille avec des outils dépassés et c'est une perte de temps colossal. Pour les personnels, si depuis 20 ans que l'on pointe le retard par rapport à nos voisins européens, on avait commencé à recruter massivement des magistrats en formation, on n'en serait pas là. Donc, engageons-nous sur une loi de programmation sur 10 ans avec des recrutements au maximum des capacités des écoles pour pouvoir sortir enfin la tête de l'eau.
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