Projet de loi Justice : le bâtonnier de Paris réclame une justice "humaine"
Marie-Aimée Peyron, le bâtonnier de Paris, demande lundi 5 octobre sur franceinfo "une justice plus humaine" alors que le projet de loi de programmation pour la justice qui arrive mardi devant les députés insiste sur la dématérialisation.
Alors que le projet de loi de programmation pour la justice arrive mardi devant les députés, Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, a dénoncé lundi 5 octobre sur franceinfo un texte qui "ne va pas permettre d'avoir une justice plus rapide, ni plus moderne". Elle a demandé "une justice plus humaine" alors que le projet de loi insiste sur la dématérialisation. "Ce texte va complexifier les procédures."
Il va être beaucoup plus difficile d'avoir accès à un juge d'instruction et va poser problème pour l'accès à la justice.
Marie-Aimée Peyronà franceinfo
La dématérialisation est proposée par le gouvernement pour désengorger les tribunaux notamment avec le recours généralisé aux visio-audiences, à des médiations par internet parfois obligatoires pour des litiges de moins de 10 000 euros : "Le problème c'est que tous les Français n'ont pas un ordinateur, contrairement à ce que nous pouvons penser, a-t-elle affirmé. Vous ne pouvez pas avoir accès au juge avec internet. Nous demandons une justice humaine. Nous manquons en France de juges, de procureurs et comment solutionner cela ? En passant par internet ? Un tout numérique est impossible en matière de justice. Les Français ont droit au temps des procès."
"Nous sommes juste avant la Moldavie, derrière l'Ouzbékistan"
Il y a 6 995 juges en France soient dix juges pour 100 000 habitants : "Nous sommes juste avant la Moldavie derrière l'Ouzbékistan alors que nous sommes 67 000 avocats en France. Les temps d'attente devant les juridictions sont beaucoup trop longs. Certaines audiences sont fixées à 2021 actuellement", a-t-elle souligné. Les délais d'attente pour obtenir un procès en France est de 40 mois en moyenne. La solution proposée par le gouvernement pour raccourcir ce délai, c'est la création de tribunaux criminels départementaux à la place de la cour d'assises : "La cour d'assises est la justice qui fonctionne le mieux en France, a-t-elle expliqué. Comment considérer qu'un viol puisse être un 'petit' crime qui va dépendre du tribunal criminel départemental alors qu'il a tout autant droit à une cour d'assises avec un jury populaire."
Des écoutes téléphoniques "inadmissibles"
Autre volet du projet de loi, le renforcement du pouvoir du parquet. Le texte prévoit la possibilité pour les procureurs de demander des écoutes téléphoniques, des géolocalisations dans les enquêtes préliminaires : "Sur le plan des libertés publiques, la géolocalisation et les écoutes téléphoniques pour des délits passibles de trois ans, [par exemple] une dénonciation calomnieuse ou un vol à la tire, cela veut dire que vous allez pouvoir écouter tous les Français. Ce sont des délits qui sont sans commune mesure avec le terrorisme et le grand banditisme. Pour des délits passibles de trois ans, c'est inadmissible", a-t-elle dénoncé.
"Nous avons convaincu les sénateurs" lors de l'examen du projet de réforme de la justice, poursuit Marie-Aimée Peyron. "Nous n'imaginons pas que les députés reviennent sur le texte tel qu'il a évolué au Sénat. Nous avons convaincu les sénateurs sur le budget. Ils ont décidé d'augmenter le budget de la justice."
Autre point combattu par Marie-Aimée Peyron : la disposition qui prévoit de confier à titre expérimental au directeur de la Caisse d'allocations familiales (CAF) la révision des pensions alimentaires en cas de divorce, au lieu d'un juge. "Nous avons convaincu les sénateurs sur le directeur de la CAF, précise-t-elle, puisqu'il est prévu que ce soit uniquement en cas d'accord des parties que la révision des pensions alimentaires puissent être entérinée par un directeur de CAF." Le bâtonnier appelle les députés à ne pas revenir en arrière : "Pour les libertés publiques, pour la place de l'avocat et de la victime."
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