: Vidéo Pourquoi les graines écolos sont-elles anticonstitutionnelles ?
Quand on est jardinier amateur, cultiver des graines de légumes rares, c’est un rêve ! Qui a failli se réaliser à l’automne dernier. Mais le Conseil constitutionnel a finalement dit niet. Pour quelle raison ? Voici l’histoire de graines anticonstitutionnelles.
Nichée au coeur de la forêt ariégeoise, l’association Kokopelli conserve 2 500 variétés de plantes en voie de disparition : des graines de poireau “monstrueux de Carentan”, pastèque “Ali Baba” ou encore des tomates bleues. Des végétaux dont la vente est illégale, contrairement aux semences industrielles, qui elles sont inscrites dans un catalogue officiel.
Les militants de Kokopelli réclament depuis longtemps de pouvoir vendre légalement ces graines : c’était justement ce que prévoyait l’article 78 de la loi sur l’agriculture et l’alimentation (Egalim). Mais trois semaines après son vote par le Parlement en octobre, le Conseil constitutionnel le déclare “non conforme à la Constitution”. “J’ai été scandalisé, répond Ananda Guillet, le directeur de Kokopelli. A chaque fois j’y crois un peu, et à chaque fois ça ne passe pas. Ca ne passe jamais.”
Un "cavalier législatif" qui surprend
Comment le Conseil constitutionnel justifie-t-il cette censure ? Réponse officielle : l’article 78 “ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte initial.” Étonnant : le texte initial, c’est la loi sur l’agriculture et l’alimentaion ! Mais pour les Sages, un amendement sur la vente libre de ces graines n’y a pas sa place. C’est ce qu’on appelle en droit un "cavalier légisatif".
Pourtant dans le même texte, le Conseil a validé l’article 28 sur les “pailles”, “piques à steak” et autres “bâtonnets mélangeurs pour boissons”. Ici, pas de cavalier législatif. "Vous manifestez l’incohérence du raisonnement du Conseil, estime Thomas Perroud, professeur de droit public à l'université Paris Panthéon-Assas. Pourquoi dans un cas y-a-t-il un cavalier et dans un autre il n'y en a pas ? Le juge doit l’expliquer.”
Le Conseil constitutionnel, pas assez transparent ?
Et c’est tout le problème : les membres du Conseil constitutionnel ne justifient pas leurs décisions. “La France fait figure d’exception, rappelle Thomas Perroud. Les juridictions équivalentes à l’étranger pratiquent une transparence bien plus importante.”
Contacté, le Conseil rappelle que le gouvernement ou le Parlement peuvent toujours proposer une nouvelle loi sur les graines. Mais rien ne dit que les Sages auraient la main plus verte à la prochaine saison...
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