Pénurie de maîtres-nageurs : la Fédération française des maîtres-nageurs dénonce des "rémunérations qui ont baissé" et "des conditions de travail dégradées"
Alors que des piscines sont obligées de fermer quelques jours par semaine dans certaines régions à cause d'une pénurie de maîtres-nageurs, la Fédération française des maîtres-nageurs sauveteurs dénonce mardi 18 juillet sur franceinfo des "rémunérations qui ont baissé, les agressions" et "des conditions de travail dégradées". "Un maître-nageur débutant gagne 1 400 euros", or "on a une responsabilité pénale qui va jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende", fait remarquer Axel Lamotte, membre du comité directeur de la fédération.
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franceinfo : Y a-t-il une réelle pénurie de maîtres-nageurs qui oblige à fermer des piscines certains jours de la semaine, y compris dans ces périodes de fortes chaleurs ?
Axel Lamotte : Bien évidemment, il y a une pénurie qui date de très loin, il y a un rapport du Conseil économique et social qui date de 1990 qui a alerté les pouvoirs publics devant la pénurie à venir. Au bout de 33 ans, il ne s'est toujours rien passé. Cette pénurie a plusieurs causes : d'abord, les rémunérations, elles ont considérablement baissé en 20 ans. Le niveau du savoir-faire des jeunes en natation a aussi considérablement baissé. L'Éducation nationale, dans les années 60, a décrété que la natation était obligatoire à l'école ; à l'époque, les maîtres-nageurs sauveteurs encadraient la natation scolaire avec les moyens du bord, mais c'était relativement bien. Le niveau pour obtenir le BNSSA, le brevet national de secouriste et sauveteur aquatique, était deux fois plus difficile par rapport à ce qu'il est aujourd'hui.
"On a remplacé les maîtres-nageurs par les instituteurs, puis les instituteurs par des parents bénévoles qui savent nager 25 mètres, qui ne connaissent rien en pédagogie, rien en natation, rien au sauvetage, rien en surveillance, rien en secourisme."
Axel Lamotteà franceinfo
Pour transformer un terrien en bon nageur, il faut cinq ans, donc vous le prenez à douze ans, il devient un bon nageur à 17 ans. Pour le transformer en sauveteur aquatique, pour qu'il puisse se dégager des prises, d'un noyé sur lui, il faut encore une année et après il faut encore une année pour devenir maître-nageur, donc vous arrivez facilement à 19 ans quand vous anticipez à l'âge de douze ans. Depuis, la pénurie s'est accentuée pour d'autres raisons. Les salaires, les agressions des maîtres-nageurs, les conditions de travail se sont considérablement dégradées.
Est-ce que vous avez une estimation du nombre de postes vacants de maîtres-nageurs aujourd'hui en France ?
C'est difficile. Il y a un chiffre qui avait été avancé de 5 000 maîtres-nageurs manquants [selon le Syndicat national professionnel des maîtres-nageurs]. Je pense que c'est beaucoup plus, surtout en été. Les maîtres-nageurs qui sont fonctionnaires ou ceux qui travaillent dans les piscines municipales partent en vacances au mois de juillet et au mois d'août, dans une période où on pourrait plus facilement apprendre à nager. Je pense que pour l'avenir, il va falloir réfléchir à des stratégies pour former beaucoup de maîtres-nageurs et même des maîtres-nageurs saisonniers. On avait proposé en 2009-2010 au ministère des Sports et au ministère de l'Enseignement supérieur d'adjoindre une formation complémentaire aux étudiants en Staps [sciences et techniques des activités physiques et sportives] pour que tous ceux qui sont de bons nageurs et qui ont le BNSSA puissent devenir maître-nageur. Il a fallu attendre onze ans pour que ça se décide. On va au-devant de plus en plus de noyades, il fait de plus en plus chaud, les gens vont de plus en plus se baigner.
"Inévitablement, on aura de plus en plus de noyades. Moins de maîtres-nageurs, plus de chaleur, le constat est facile à faire."
Axel Lamotteà franceinfo
Aujourd'hui, combien gagne à un maître-nageur ?
Un maître-nageur débutant gagne 1 400 euros. On a une responsabilité pénale qui va jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, une responsabilité civile en cas de défaillance de plusieurs millions d'euros qu'on doit à la famille, une responsabilité administrative, c'est-à-dire que le maître-nageur qui a commis une faute peut être suspendu par le préfet. Donc il ne peut plus gagner sa vie. En plus, il y a une sanction administrative par la hiérarchie, on a donc quatre niveaux de sanctions extrêmement graves qui pèsent sur nous. Vous pensez que c'est un salaire normal de 1 300, 1 400 euros ? Bien évidemment non.
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