Pouvoir d'achat : "Les prix cassés détruisent l'agriculture", dénonce Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
"Produire en France a de la valeur, mais pour ça, il faut que les agriculteurs puissent gagner leur vie et être payés au juste prix", déclare sur franceinfo la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.
Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), s'est réjouit mardi 5 juillet sur franceinfo de l'abandon du projet de promotions à 50% sur l'alimentation dans les grandes surfaces, initalement proposé par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Selon elle, il faut "faire de la pédagogie" pour expliquer aux Français que "l'alimentation a un prix".
franceinfo : Pourquoi étiez-vous opposée à cette idée de promotions à 50% ?
Christiane Lambert : Les prix cassés, ça casse l'économie, ça casse les entreprises, ça casse l'agriculture, ça casse les emplois en France. Est-ce que c'est ce dont on a besoin ? Ça fait dix ans que les prix ont baissé pour l'alimentation en France. Jamais les prix ont été aussi bas, jamais il y a eu autant de précaires alimentaires. Donc la méthode Leclerc des prix très bas, ça ne marche pas. C'est ce que nous avons dit à Bruno Le Maire. Nous sommes même surpris qu'il ait lui-même proposé ça. Il y a eu un tollé chez tous les agriculteurs, les industriels, les coopératives... Il est revenu en arrière. Tant mieux, c'était indispensable.
Que répondez-vous justement à Michel-Edouard Leclerc, qui avait jugé suspectes certaines hausses de prix demandées par les industriels ?
Je réponds à Michel-Edouard Leclerc qu'il devrait regarder de plus près ce qui se passe dans le vrai monde. Les engrais ont augmenté de 150% en un an. Le prix du carburant a été multiplié par deux, le prix du gaz pour les agriculteurs a été multiplié par cinq. Le prix du carton a augmenté de 40%. Par contre, Michel-Edouard Leclerc n'est pas très transparent sur ses marges à lui. Combien gagne-t-il sur le dos des agriculteurs depuis des années ?
"Pourquoi croyez-vous que 100 000 exploitations agricoles ont disparu depuis dix ans... Parce que la tyrannie des prix bas a conduit à des faillites."
Christiane Lambert, présidente de la FNSEAà franceinfo
Aujourd'hui, il est question de souveraineté alimentaire. On voit ce que ça donne quand on n'a pas d'huile de tournesol, parce qu'il y a la guerre en Ukraine. On voit aussi ce que ça donne quand on n'a pas de moutarde, parce qu'il y a la sécheresse au Canada. Produire en France a de la valeur, mais pour ça, il faut que les agriculteurs puissent gagner leur vie et être payés au juste prix.
Comment concilier le pouvoir d'achat des consommateurs et les revenus des agriculteurs ?
Je sais que c'est un moment difficile pour les consommateurs. Mais la France est le pays qui, depuis dix ans, a baissé ses prix alimentaires. Les Français se sont habitués aux promotions. Quand leur loyer augmente de 3,2 % au 1ᵉʳ juillet, Personne ne dit rien. Quand le carburant augmente, ils font quand même le plein pour aller à la plage et ailleurs. Il n'est pas question que lorsque le prix de l'alimentation a besoin de hausses, on demande aux agriculteurs de se serrer la ceinture un peu plus. Nous ne pouvons pas. Il y a beaucoup d'agriculteurs qui, en ce moment, ne gagnent pas leur vie. Moi, je suis producteur de porc. L'aliment des porcs a augmenté de 33%. S'il n'y a pas de hausse du prix du jambon, des saucisses, des chipos, des rôtis... eh bien nous ne tiendrons pas. L'alimentation, ça a un prix. Je crois qu'il faut beaucoup de pédagogie pour l'expliquer.
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