"Jeunes comme vieux, on n'en peut plus !" : un restaurateur de Villeurbanne prévoit d'ouvrir lundi malgré l'interdiction
"J'ouvre mon restaurant dans la totale sécurité avec deux par table maximum, port du masque dans tous les déplacements, gel hydroalcoolique, prise de coordonnées", a affirmé sur franceinfo Philippe Vieira, restaurateur à Villeurbanne dans le Rhône.
"Jeunes comme vieux, on n'en peut plus !", a clamé dimanche sur franceinfo Philippe Vieira, restaurateur à Villeurbanne (Rhône) qui a prévu d'ouvrir lundi son établissement pour dénoncer la fermeture des bars et des restaurants depuis le mois de novembre à cause de l'épidémie de Covid-19. "On veut exprimer cette souffrance et demander au gouvernement de trouver des solutions", a expliqué le propriétaire de l'Espace Zola 229. "J'ai l'impression d'être un invisible", a-t-il déploré.
Que représente pour vous cette réouverture ?
Beaucoup de peur pour l'instant, parce que j'ai lancé ce mouvement avec l'idée qu'il y aurait une sorte de tolérance de la part du gouvernement. On souffre et face à cette souffrance, il faut aussi parfois nous écouter. On est des citoyens. On sait ce qu'il se passe dans notre pays. On sait qu'il y a l'épidémie qui est terrible, qu'il y a des familles endeuillées, des gens qui souffrent. On veut exprimer cette souffrance et demander au gouvernement de trouver des solutions.
J'ai lancé cet appel à la réouverture un peu de manière innocente et puis vendredi, le Premier ministre nous a dit : "On va vous taper encore plus dur, plus fort, encore plus vous punir, délinquants de restaurateurs que vous êtes". Alors qu'on aurait pu mettre un peu d'eau dans le vin. On va nous envoyer la police de manière massive. Donc, j'ai un peu peur.
On a vraiment fait les choses le plus proprement possible, puisqu'on a demandé une autorisation à la préfecture d'ouverture devant l'établissement, donc de rassemblement en extérieur. Je sais qu'il y aura beaucoup de forces de police a priori, il s'avère qu'en plus nous sommes à côté du commissariat de police central de l'agglomération de Villeurbanne. On ne peut pas se cacher de toutes façons. On est dans un échange, dans une discussion, on veut s'exprimer. Moi, j'ai l'impression d'être un invisible. Bientôt, on va être comme des SDF qu'on ne regarde plus dans la rue.
Peut-être que le président, pour nous soulager, nous offrira l'accès au CROUS [restaurants universitaires] à un euro... Je crois qu'on exprime ce qu'il se passe dans notre pays. On souffre comme d'autres, beaucoup de gens souffrent. Et à côté de tout ça, on a une épidémie galopante. On ne peut pas se vanter d'avoir particulièrement réussi notre politique de santé. Alors on pose la question : n'y a-t-il pas d'autres actions à mener ?
Quelle alternative proposez-vous pour assurer la sécurité de vos clients?
Ce qui est important, c'est que l'on a constaté que le virus se transmettait essentiellement dans les espaces de famille et dans les lieux de travail. Finalement, pas tant que ça dans les restaurants et les bars. Les études sur la période octobre, septembre, octobre l'ont montré.
Aujourd'hui, la seule solution, si vous voulez vraiment stopper le virus, ce serait de vivre à la chinoise. Vivre sous une dictature, ne plus rien faire, s'arrêter. On est la France, on est le peuple français. On a une culture, on a envie de partager, on a envie de vivre des choses tous ensemble. Ça fait partie de notre identité. Aujourd'hui, le virus est là et communique via les familles, via les rassemblements professionnels au bureau, etc. Ce qui est important, c'est qu'il faut redonner la place à la responsabilité individuelle.
Après tout, moi j'ouvre mon restaurant dans la totale sécurité avec deux par table maximum, port du masque dans tous les déplacements, gel hydroalcoolique, prise de coordonnées... On va garantir que tout se passe au mieux. Si vous vous êtes à risque, si vous avez 100 ans ou 98 ans, excusez-moi, ne venez pas manger dans mon établissement, malgré le port du masque, malgré le gel ! Mais si vous avez 20 ou 25 ans, venez manger en vous protégeant. Et là, les risques sont très faibles.
Est-ce qu'on ne peut pas commencer à avancer sur cette réflexion-là ? Peut-être que je pourrais très bien, demain, faire une restauration spéciale dédiée à un public plus fragile où l'on augmenterait encore plus nos gestes barrières... Parce qu'on n'en peut plus ! Jeunes comme vieux, on n'en peut plus ! Moi, je connais pleins de séniors qui me disent : "Nous Philippe, on n'en peut plus, qu'on meurt du coronavirus ou de solitude chez nous, on va mourir, on n'en peut plus."
Est-ce qu'il y a eu des réservations pour demain midi ?
On est complet. Il y aura beaucoup de copains, évidemment, et beaucoup de gens qui ont voulu nous soutenir. Maintenant, le problème, c'est que notre Premier ministre nous a bien fait comprendre que nous étions des horribles délinquants et qu'il y aurait des amendes à tout va, comme si on n'était déjà pas assez en galère. Donc, je ne sais pas. Et puis, au pire des cas, j'ai dit aux clients qu'on mangera dehors, puisque j'ai l'autorisation de rassemblement devant l'établissement. On mangera dehors et debout.
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