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Reportage Courtepaille en redressement judiciaire : "J'en pleure, je vais les quitter mes copines", se désolent salariés et clients d'un restaurant

Le tribunal de commerce de Nanterre doit prononcer prochainement le rachat de Courtepaille par le groupe La Boucherie. Mais seuls 40% des restaurants seront repris. L'enseigne de Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, devrait mettre la clef sous la porte.
Article rédigé par Thomas Giraudeau, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le groupe La Boucherie, jugé le plus "solide" par le tribunal de Nanterre, ne reprend que 82 restaurants sur les 216 Courtepaille. Celui de Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, a fermé définitivement ses portes le 15 juin. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

La fin d'une époque. La chaîne de restauration la plus ancienne de France est sur le gril. Courtepaille, créé en 1961, est en redressement judiciaire pour la deuxième fois en trois ans. Le tribunal de commerce de Nanterre doit prononcer mardi 20 ou mercredi 21 juin son rachat par le groupe de restauration La Boucherie, la seule entreprise à avoir déposée une offre jugée "solide"

Dominique et Anne-Marie viennent au moins une fois par mois au Courtepaille de Livry-Gargan. Ils regrettent la fermeture d'un lieu convivial, et relativement bon marché. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Mais la reprise ne se fera pas sans casse, La Boucherie veut reprendre moins de 40% des restaurants. 1 600 salariés risquent d'être licenciés selon les syndicats. Et parmi les enseignes sacrifiées, celle de Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis. Où les clients fidèles sont venus déguster une dernière fois leur menu favori, ce jeudi midi.

Pour Liliane, c'est donc un ultime poisson grillé : "C'est atroce, j'en pleure tellement que je vais les quitter mes copines". Deux fois par semaine, depuis dix ans et l'ouverture de ce Courtepaille, c'était un rituel pour elle. Alors, au moment de régler la note, embrassade et "au revoir" en larmes aux serveuses. La cliente la plus fidèle connaît le nom de chacune : "Maria, Océane, ce sont des gens charmants. C'est comme ma petite fille."

Inquiétude pour l'avenir

La petite fille d'adoption qui vient la consoler, c'est Océane. Dernières assiettes en main : "J'adore parler avec les gens, discuter avec eux, rigoler avec eux. J'avais trouvé ça ici. Donc je ne vous cache pas que je n'avais pas envie de partir... Je suis en pleine réflexion. Qu'est-ce que je vais faire ? Dans les jours et semaines à suivre."

Pas difficile de trouver un nouveau poste dans la restauration, le secteur manque désespérément de bras. Y compris le groupe La Boucherie, favori pour la reprise d'une partie seulement des Courtepaille. Il pourrait limiter la casse sociale en embauchant dans ses propres restaurants certains salariés, comme Océane.

Yvette a passé trente ans chez Courtepaille. Elle gère le grill, la pièce maîtresse, et l'argument de vente du restaurant, qui trône au milieu des tables. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

En revanche, sa collègue, Yvette, craint beaucoup plus pour son avenir. "J'ai 58 ans, j'espère mon âge ne va pas me porter préjudice. J'ai 30 ans de maison chez Courtepaille ! J'aimerais partir en retraite dans une meilleure situation que ça. C'était quand même une belle chaîne. J'ai connu pas mal de gens qui ont fait carrière avec moi."

Fréquentation en forte baisse

Et parmi elles, sa responsable. Rachida Hamzaoui, la première à ouvrir les portes du Courtepaille de Livry-Gargan, il y a 10 ans. La même qui les ferme définitivement. La crise sanitaire a divisé par deux le chiffre d'affaires des restaurants au célèbre toit de chaume. "Sur le groupe, il y a eu le Covid. Quand on a été racheté en 2020, on a eu de belles promesses. Notamment sur la rénovation des bâtiments, qui sont très vieillots. On a eu la promesse d'avoir une carte qui allait attirer, qui allait être rajeunie. Ce dont on avait réellement besoin. Ces belles promesses, on les a entendues, pas vues. Un peu de rage, un peu beaucoup de rage."

Rage envers le groupe Napaqaro, qui cède donc Courtepaille, se justifiant par une fréquentation en forte baisse. Pour son dernier jour, le restaurant de Livry-Gargan a servi une soixantaine de clients, dans une salle qui peut en accueillir deux fois plus.

La fermeture du Courtepaille de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis)

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