Le patron de Titan, cow-boy décomplexé, paternaliste et loser en politique
Maurice Taylor, provocateur ultralibéral, est engagé dans une joute verbale avec Arnaud Montebourg sur le dossier Goodyear. Et aligne les critiques fleuries sur les ouvriers français.
"La France va finir comme la Grèce, c’est une question de temps." Maurice Taylor, le président du groupe de pneumatiques américain Titan, a lâché une deuxième dose de fiel dans Les Echos, mercredi 20 février. Déjà, dans sa lettre adressée à Arnaud Montebourg, où il fustigeait les travailleurs de l’usine Goodyear d’Amiens et le système français, Maurice Taylor laissait entrevoir sa personnalité de provocateur un peu rustre. Qui est-il vraiment ?
Un cow-boy décomplexé
L’homme de 69 ans est "brut de décoffrage", selon le magazine américain Forbes. Diplomatie et tact sont des mots étranges pour Maurice “Morry” Taylor Jr, comme le prouve le ton de sa dernière lettre. Un franc-parler qui permet à Challenges d’oser une comparaison avec Bernard Tapie. Il est vrai que l’homme aime rappeler qu’il s’est construit tout seul, qu’il appartient à la classe des self-made men. Le journal américain The New Republic (lien en anglais) raconte une scène où Maurice Taylor agite une liasse de billets et proclame : "Dans la vie, il n’y a que l’argent et la comptabilité !"
Les milieux de la finance ont affublé l'entrepreneur du sobriquet de "Grizzly", en référence à son caractère bourru et agressif. L’homme d'affaires a su transformer la petite pique en argument marketing, comme le prouve la page d’accueil du site de Titan, où l’on peut tombe sur un Grizzly plein d’ardeur. Il utilise également l’argument du patriotisme économique. Dans ce spot publicitaire, il lance, non sans humour : "Mettre un pneu Michelin à votre tracteur, c’est comme mettre un béret sur un cow-boy, choisir un pneu japonais Firestone, c’est comme faire porter un kimono à un agriculteur."
Un patron libéral et paternaliste
Maurice Taylor a construit Titan grâce à une technique bien rodée : il rachète des entreprises en difficulté dans le monde entier, souvent à des grands groupes, et parvient à relancer l’activité à coups de restructurations et de délocalisations. Des méthodes peu scrupuleuses, puisqu’il paie des ouvriers chinois 1 dollar de l’heure tout en jouant sur le made in USA. Le patron de Titan reste un bon gestionnaire pour son entreprise. Le site du groupe revendique ainsi un chiffre d’affaires de 1,13 milliard d’euros et un bénéfice net de 44 millions d’euros.
Maurice Taylor est surtout parvenu à acheter la paix sociale en permettant à ses salariés de disposer d’un plan d’intéressement. The New Republic indique qu'il "se verse un salaire modeste et soutient avec force que les PDG des sociétés cotées en Bourse ne doivent jamais être payés plus qu'environ vingt fois le salaire de leurs travailleurs les moins payés". Le Parisien tempère en rappelant qu’il y a quinze ans, le dirigeant s’était montré inflexible avec ses salariés lors d'un conflit qui avait duré trois ans. Il vient aussi de regretter à propos des ouvriers français : "On ne peut pas les suspendre, on ne peut pas les licencier."
Un politicien raté
En 1996, le Grizzly tente sa chance en politique. Il brigue l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle, en affirmant être le seul à pouvoir battre Bill Clinton. Les électeurs du parti ne l’écoutent pas, puisqu’il n'obtient que 1,2% des suffrages. Il avait pourtant mis le paquet sur les clips de campagne (voir la vidéo ci-dessous) et développé des idées chocs : licenciement d’un tiers des fonctionnaires, suppression des aides sociales, privatisation des ambassades…
Par la suite, il a tenté d’exister en politique avec son blog, où il distillait notamment des conseils à Barack Obama, tel que la fermeture du ministère de l’Education. Le blog n’est plus mis à jour depuis plus de deux ans et vient même d'être retiré du circuit. En 2010, Maurice Taylor a pris la plume (lien PDF) pour interpeller le président américain. Au-delà des habituelles suggestions de coupes budgétaires, il avait lancé un avertissement : en cas de réélection d’Obama, il retournerait au combat en 2016.
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