Les ordonnances réformant le Code du travail publiées au Journal officiel : voici ce que cela va changer pour vous
Adoptées vendredi en Conseil des ministres, les ordonnances modifiant le Code du travail seront appliquées quasiment immédiatement. Indemnités, CDD, primes, plans de départs volontaires collectifs... Franceinfo vous explique ce que cette réforme va modifier.
Cinq ordonnances, 159 pages et 36 mesures : Emmanuel Macron a signé, vendredi 22 septembre, les ordonnances modifiant le Code du travail. Elles ont été publiées dans la foulée au Journal officiel, samedi 23 septembre. Le chef de l'Etat a salué une réforme d'une "ampleur" sans précédent "sous la Ve République". Indemnités de licenciement, recours aux CDD, négociations dans les entreprises… Franceinfo vous explique les conséquences des nombreux changements qui entrent en vigueur quasi immédiatement.
Si vous êtes en CDD
• Vous pouvez (peut-être) en enchaîner plus. Aujourd’hui, les contrats à durée déterminée ne peuvent être renouvelés que deux fois dans un délai n’excédant pas dix-huit mois. Les délais de carence entre deux CDD sont encadrés. Avec les ordonnances, ces différents critères peuvent être fixés directement par les branches professionnelles (métallurgie, secteur bancaire, restauration collective, etc.). Selon le secteur d’activité, vous pouvez donc signer différents CDD à la suite pendant plusieurs années.
• On peut vous proposer un "contrat de chantier". Aujourd'hui, en théorie, le recours aux CDD est très encadré : ils ne peuvent être conclus que pour l'exécution d'une mission précise et temporaire et ne doivent pas représenter une main-d’œuvre pérenne pour l’entreprise. Mais dans certains secteurs, comme le bâtiment, les entreprises peuvent recourir à des "contrats de chantier". Egalement appelés contrats de mission ou de projet, sans date de fin précise, ils sont rompus à l’issue d’un chantier, sans que le salarié bénéficie d’une prime de précarité de 10%. Avec les ordonnances, leur usage est facilité : chaque branche professionnelle peut négocier des accords pour y avoir recours.
Si vous vous faites licencier
• Vos indemnités légales de licenciement augmentent. Les ordonnances prévoient une hausse des indemnités légales de licenciement : elles sont portées à un quart de mois de salaire (25%) par année d'ancienneté, au lieu d'un cinquième aujourd'hui. Toutefois, cette augmentation ne concerne pas les salariés présents dans une entreprise depuis plus dix ans, qui restent à un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté, selon un projet de décret repéré par Libération.
• Vous pouvez toujours saisir les prud'hommes, mais dans un délai plus court. Le délai de recours au conseil des prud'hommes est fixé à un an après un licenciement. C'était déjà le cas jusqu'à présent pour les licenciements économiques, mais le délai était de deux ans pour les autres motifs de licenciements.
• Si vous êtes licencié abusivement, vos indemnités sont plafonnées. Lorsqu’un salarié estime qu’il a été licencié "sans cause réelle et sérieuse", il peut faire reconnaître ce licenciement abusif aux prud’hommes et obtenir réparation. En cas de faute de l'employeur, le conseil fixait librement l'indemnité que celui-ci devait verser au salarié en fonction de sa situation et de la gravité des faits. Désormais, cette liberté n'existe plus qu'en cas de "harcèlement" ou de "violation d'une liberté fondamentale".
Dans les autres cas, les ordonnances fixent un plancher, une somme minimum, et un plafond. Pour les très petites entreprises (moins de 11 salariés), le plancher est fixé à 15 jours de salaire à partir d’un an d’ancienneté. Pour les autres, il est d’un mois à partir d’un an d’ancienneté et le plancher augmente progressivement. Le plafond des dommages et intérêts est lui fixé à deux mois de salaire à partir d’un an d’ancienneté. Il augmente d’un mois par année, jusqu’à dix ans d'ancienneté, puis d’un demi-mois par an, sans dépasser vingt mois.
Si votre patron veut se séparer de nombreux salariés
• Vous pouvez faire l'objet d'une rupture conventionnelle collective. Aujourd'hui, une rupture conventionnelle, d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, équivaut à une démission, mais ouvre le droit à l’assurance-chômage pour le salarié. Il s'agit d'une mesure individuelle. Les départs massifs devaient jusqu'alors se faire dans le cadre d'un plan de départs volontaires (PDV). Ce PDV ouvre des droits spécifiques aux salariés, notamment un suivi renforcé jusqu'au retour à l'emploi, et contraint l'employeur, qui ne peut pas embaucher pendant un an après l'ouverture du plan.
Désormais, par accord majoritaire avec les syndicats, validé par l'administration, les entreprises peuvent conclure des ruptures amiables en nombre, sur le modèle des ruptures individuelles. Le tout, sans que l'employeur n'ait à prouver les difficultés économiques de l'entreprise. L'accord fixe le nombre de départs envisagés, l'indemnité proposée, les conditions à remplir et les critères pour départager les volontaires. Les syndicats redoutent que cette mesure ne cache des plans sociaux déguisés. Par ailleurs, l'employeur n'est plus contraint d'attendre un an avant de réembaucher.
• Salarié d'une multinationale, vous pouvez être licencié plus facilement. Pour juger des difficultés économiques d'une multinationale dont la filiale organise un plan social en France, le juge ne prend en compte que le périmètre national, et non international, comme la jurisprudence le fixe. Ce qui peut avoir pour effet de faciliter les licenciements économiques dans les filiales françaises des multinationales. Toutefois, le juge peut sanctionner les cas de fraude (création artificielle de difficultés pour justifier des licenciements).
Si votre patron veut renégocier vos conditions de travail
• Dans une petite entreprise, vous pouvez participer à un référendum. Jusqu'à présent, le référendum d'entreprise ne peut être organisé qu'à l'initiative des représentants des salariés. En l'absence de représentants syndicaux, l'employeur devait jusque-là s'en tenir à l'accord de branche. Avec les ordonnances, dans les entreprises de 20 salariés ou moins sans élus du personnel, l'employeur peut soumettre à référendum un projet d'accord sur les thèmes ouverts à la négociation d'entreprise (durée et organisation du travail, repos et congés, intéressement, épargne salariale, etc.). Une majorité des deux tiers est nécessaire pour le valider.
• Dans une petite entreprise, un élu du personnel non syndiqué peut négocier avec l'employeur. Jusqu'à 49 salariés, l'employeur peut, en l'absence de délégués syndicaux, négocier avec un élu non mandaté par un syndicat. Et un employeur peut organiser un référendum pour valider un accord signé par des syndicats représentant plus de 30% des salariés de l'entreprise, sauf si l'ensemble des organisations signataires s'opposent à la consultation.
Si votre patron veut baisser votre salaire
• Vous bénéficiez toujours du minimum garanti par la loi. Le salaire est toujours négocié au sein de l'entreprise, avec deux garde-fous : le smic et le salaire minimum conventionnel défini par chaque branche professionnelle. Sur ce point, pas de changement.
• Vos primes peuvent être baissées ou supprimées. La prime d'ancienneté, le 13e mois ou encore la prime de nuit sont négociés au niveau du secteur d'activité. Jusqu'à présent, une entreprise pouvait toujours être mieux-disante, mais elle ne pouvait pas faire moins que l'accord de branche. Désormais, ces questions peuvent faire l'objet d'un accord négocié au niveau de l'entreprise et l'employeur peut réduire ou supprimer certaines primes (ou les augmenter bien entendu).
Si vous voulez faire du télétravail
• Votre droit au travail à distance est élargi. Aujourd’hui, la possibilité de télétravailler est fixée par le contrat de travail ou nécessite un avenant. Ce cadre fixe une régularité (un ou plusieurs jours dans la semaine, le mois, etc.). Désormais, un accord (collectif ou individuel) suffit. Si l’employeur refuse la demande de télétravail de son salarié, il doit justifier ce refus. Et le recours au travail à distance pourra se faire ponctuellement, comme par un exemple lors d’un jour de grève ou lorsqu’un enfant du salarié est malade.
Si vous refusez l’accord collectif de votre entreprise
• Vous pouvez être licencié pour "cause réelle et sérieuse". Aujourd'hui, un salarié peut refuser que son contrat de travail soit modifié par un accord d'entreprise (portant sur les salaires, la mobilité, la réduction du temps de travail, des accords de préservation de l'emploi, etc.). Dans ce cas, il peut être licencié pour ces motifs et avec des conséquences et des droits qui diffèrent (licenciement économique, licenciement pour "motif personnel", licenciement pour "motif spécifique" dit "sui generis").
Les ordonnances prévoient qu'en cas de refus d'un accord lié au "bon fonctionnement de l'entreprise" ou en vue de "développer et préserver l'emploi", le salarié sera licencié pour "une cause réelle et sérieuse". Le salarié a un mois pour se prononcer sur l'accord. S'il est licencié, il peut toucher l'assurance-chômage et bénéficie d'un droit à la formation, mais pas de l'accompagnement prévu pour les licenciés économiques.
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