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Energie : le risque de blackout est-il réel ?

GDF et neuf autres grands groupes énergétiques européens craignent un blackout cet hiver. Pour Cécile Maisonneuve, directrice du Centre énergie de l'Ifri, le réseau de transmission est en situation de risque.

Article rédigé par Simon Gourmellet - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le centrale électrique de Cordemais, en Loire-Atlantique, le 16 décembre 2009.  (MAXPPP)

Prévision catastrophique ou véritable risque ? Dans Les Echos du mercredi 11 septembre, neuf groupes producteurs et distributeurs d'énergie en Europe, dont GDF Suez, ont poussé un cri d'alarme en pointant les menaces de pénurie qui vont peser cet hiver sur l'Europe. "Si l'Europe est soumise à une vague de froid, à un moment où il n'y a ni vent, ni soleil, alors, sans centrales thermiques [utilisant des énergies fossiles] à appeler, il y aura un risque très fort de blackout", prévient ainsi Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez.

Selon ces poids lourds de l'énergie, la concurrence des énergies renouvelables associée à la crise économique les ont conduits à fermer de nombreuses centrales thermiques, qui risquent de faire défaut. Ils sont allés plaider leur cause devant les députés européens à Strasbourg (Bas-Rhin), mardi 10 septembre.

Décryptage de Cécile Maisonneuve, directrice du Centre énergie à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Francetv info : Le risque de blackout est-il réel ? 

Cécile Maisonneuve : Cela dépendra en partie des conditions météorologiques de l'hiver prochain. Mais plus profondément, le réseau européen est en situation de risque et voit ses marges de sécurité réduites. Les réseaux n'ont pas été créés pour gérer des flux massifs de nature intermittente, comme ceux engendrés par les énergies renouvelables, ni des inversions répétées de transmission du courant entre les zones qui produisent plus que de besoin et celles qui sont en demande.

Ainsi, l'Allemagne, par exemple, peut dans une même journée exporter ou importer de l'électricité produite en France, en fonction des conditions météo. Ces mouvements fragilisent les lignes et multiplient les risques de panne.

Pourtant, la France a fait le choix du nucléaire... 

Nous parlons ici de réseaux interconnectés. Les pays européens sont en étroite coopération : si l'un d'eux flanche, il peut entraîner les autres. Donc en cas de panne, la France sera touchée.

L'exemple de 2006 est là pour le rappeler. Une coupure du réseau dans le nord de l'Allemagne avait privé près de 15 millions de personnes d'électricité, dont 5 millions en France. L'impact s'est fait ressentir jusqu'en Espagne et même au Maroc. Cette coupure avait duré moins d'une heure. Mais en cas de panne prolongée, les installations sensibles, comme les hôpitaux, pourraient être menacées.

Ce "cri d'alarme" des géants de l'énergie révèle un malaise plus général de la filière énergétique en Europe...

Ces grands groupes réclament une politique et des règles européennes claires sur le long terme. Car les investissements dans ce secteur se planifient sur des décennies. Pour le moment, en l'absence de cadre, ils freinent leurs investissements en Europe.

La situation actuelle est le résultat des incohérences des politiques énergétiques menées depuis près de vingt ans. Dans les années 90, l'Europe a misé sur la libéralisation du marché, puis dans les années 2000, revirement total, la priorité a été donnée à la lutte contre le changement climatique. Il faut désormais réconcilier ces deux logiques.

Cet appel a-t-il une chance d'être entendu ? 

C'est peu probable dans le contexte actuel. La Commission européenne est en fin de vie avant les prochaines élections de 2014. L'Europe n'avance que lorsque qu'elle se retrouve face à une crise. J'espère que pour que le secteur énergétique il ne faudra pas un blackout pour assister à une prise de conscience. Les conséquences seraient dramatiques.

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