Crise énergétique : la Turquie vante l'alternative du gaz turkmène pour réchauffer l'Europe
Acheminer le gaz turkmène pour alimenter l’Europe nécessite la construction d'un pipeline qui traverserait la mer Caspienne. Dans les faits, il est nécessaire d’amener ce gaz jusqu’à Bakou en Azerbaïdjan pour le raccorder au réseau transanatolien qui dessert les marchés européens en passant donc par la Turquie. Tour sauf anecdotique car le Turkménistan possède les quatrièmes réserves mondiales de gaz naturel, juste derrière le Qatar.
Ce gazoduc transcaspien, l’Europe s’y est déjà intéressée dans les années 90 mais à l’époque la Russie lui mettait des bâtons dans les roues, le statut juridique de la mer Caspienne n’était pas réglé et Turkménistan et Azerbaïdjan se disputaient une zone de la Caspienne très riche en hydrocarbures. Ces différends sont aujourd’hui réglés. Et les conditions sont plus favorables dans la région, ne serait-ce que la situation géopolitique.
La Russie affaiblie
La guerre en Ukraine a affaibli Moscou qui a moins les moyens de mettre la pression sur ses anciens satellites. Moscou avait en fait imposé au Turkménistan de lui vendre son gaz peu cher. La Russie l’utilisant pour sa propre consommation et revendant le sien, plus cher, à l’Europe. Mais aujourd’hui Moscou a moins d’influence, le Turkménistan entend aussi diversifier ses clients. Il a déjà la Chine. L’Europe serait un intéressant débouché. La Turquie en tout cas met en avant le potentiel de ce corridor. Elle compte capitaliser sur la géographie pour devenir un des principaux centres mondiaux dans le commerce de l’énergie. "Si vous regardez une carte. Vous pouvez voir qu'au sud, à l'est et au nord de la Turquie, se trouvent près de 65 % des ressources énergétiques mondiales, indique Mithat Rende, ancien diplomate et spécialiste de ces questions. Et si vous regardez vers l'ouest, vous trouvez 500 à 600 millions d'Européens assoiffés d'énergie. Mais il faut du temps, de l’argent pour les investissements au Turkménistan et pour le gazoduc transcaspien, et un soutien politique. Une volonté politique pour que ce projet voit le jour et que nous puissions transporter davantage de volume par le corridor gazier sud européen."
"Un nouvel ordre mondial en train de se créer"
La Turquie a déjà prévu d’augmenter ses capacités de transit. La balle est dans le camp européen. "Ils devraient l'étudier attentivement à Bruxelles et dans les capitales européennes et essayer de concevoir une nouvelle stratégie énergétique, reprend Mithat Rende pour qui l'Europe n’a pas de temps à perdre. Un nouvel ordre mondial est en train de se créer. Et les Européens n'ont pas le luxe d’attendre que les autres formulent des politiques en leur nom. Les autres, c’est-à-dire la Chine, la Russie mais aussi les États-Unis, qui entendent promouvoir leur gaz de schiste. Plus que jamais cette région est celle du "grand jeu" où s’affrontent les ambitions. Et l’autonomie stratégique du vieux continent pourrait bien passer par l’Asie centrale.
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