L'État recapitalise EDF : pourquoi l'électricien public anticipe un avenir difficile
Malgré des bénéfices multipliés par huit l'année dernière, l'entreprise doit notamment faire face à des problèmes techniques touchant son parc nucléaire. Les ambitions de production pour les deux années à venir sont en baisse de 10%.
EDF à la recherche d’argent frais. L’électricien public a lancé vendredi 18 mars en bourse l’augmentation de capital qu’il avait annoncé mi-février. Une rallonge d'un peu plus de trois milliards d’euros dont la majeure partie sera souscrite par l'État. L'entreprise anticipe deux années difficiles malgré de bons résultats en 2021. Comment expliquer ce changement de perspective ?
Réacteurs à l'arrêt et problèmes de corrosion
La reprise suivant la crise du Covid-19 a profité à EDF. Les bénéfices ont été multipliés par huit en un an pour atteindre cinq milliards d’euros. L'électricien avait de quoi sourire, d’autant que les prix de vente de l’électricité sur les marchés étaient prometteurs. Mais entre décembre 2021 et janvier 2022, tout s’est retourné. Il y a d’abord eu des problèmes techniques détectés sur des réacteurs nucléaires en arrêt pour maintenance. Des problèmes de corrosion, également, qui touchent les circuits primaires et qui sont donc pris très au sérieux par EDF et par l’Autorité de sûreté nucléaire.
À l’heure actuelle, dix réacteurs sont soit touchés, soit sous surveillance. Ils devront subir des arrêts imprévus ou prolonger leurs arrêts de maintenance. EDF a dû revoir à la baisse ses prévisions de production nucléaire pour 2022 et 2023 de 10%.
Ensuite, en début d’année, le gouvernement a rajouté un obstacle financier en obligeant EDF à contribuer à la maîtrise des factures d’électricité des Français. À partir d’avril, le groupe va devoir vendre une plus grande quantité d’électricité nucléaire à prix réduits à ses concurrents afin que ces derniers puissent répercuter cette remise sur leurs clients. EDF estime qu’elle va perdre huit milliards d’euros dans l’opération.
Répondre au plan EPR2
Le calendrier du gouvernement n'avantage pas EDF qui avait justement besoin de liquidités. Une expression imagée revient souvent à propos des perspectives de l'entreprise : un mur d’investissement. On l’imagine bien haut et il est historique. L’électricien public va devoir dépenser environ 100 milliards d’euros, à la fois dans la maintenance et la mise à niveau de son parc nucléaire actuel pour en assurer la longévité. Il s'agit aussi de répondre au programme de construction de centrales EPR2 lancé, début février, à Belfort par Emmanuel Macron.
En souscrivant 2,7 milliards d’euros sur les 3 milliards d'augmentation de capital d'EDF, l’État veut montrer qu’il soutient le géant public de l’énergie. Ceci dit, il a calculé son investissement au plus juste pour rester stable en proportion du capital, autour de 84%, et promet d’autres gestes.
L'avenir d'EDF, enjeu de campagne
En parallèle, plusieurs candidats à la présidentielle se penchent sur le cas EDF. Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon ou Fabien Roussel défendent la nationalisation totale de l'entreprise tandis que Marine Le Pen se dit favorable à la sortie du système européen de prix de l’électricité.
Le projet d’Emmanuel Macron semble plus ambigu. Il réserve la nationalisation aux activités dites régaliennes d’EDF, surtout le nucléaire et ses lourds investissements, sans préciser ce qu’il ferait des autres branches de l’électricien. De quoi ranimer le fantôme du plan Hercule, rejeté à la fois par les syndicats et par Bruxelles…
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