Face aux "Pigeons", Pierre Moscovici revoit la taxation des plus-values pour les entrepreneurs
Plusieurs entrepreneurs ont protesté contre la taxation sur les plus-values lors des reventes d'entreprises. En six jours de mobilisation, ils semblent avoir eu gain de cause.
ENTREPRISES – Face aux "Pigeons", Pierre Moscovici a fait quelques concessions. Le ministre de l'Economie et des Finances a annoncé, jeudi 4 octobre, des modifications dans la taxation des plus-values de cession d'entreprises dans le cas des personnes ayant créé leur société. La mesure est vivement décriée par ce mouvement d'entrepreneurs en colère.
"Ce que nous voulons taxer c'est la rente, pas le risque", a déclaré le ministre, en précisant qu'il était en revanche "hors de question" de remettre en cause le principe de l'alignement de la fiscalité du revenu du capital sur celui du travail, prévu dans le projet de loi de finances 2013.
Fin de l'épisode ? "J'ai besoin de voir exactement le nouveau texte pour pouvoir dire que l'incident est clos", a prévenu la patronne du Medef, Laurence Parisot, sur RTL. Retour sur un bras de fer en cinq actes.
Acte 1 : les Pigeons font leur nid sur les réseaux sociaux
Une tribune publiée sur La Tribune.fr, vendredi 28 septembre, lance la machine. Jean-David Chamboredon, patron du fonds des entrepreneurs internet ISAI, dénonce la future taxation sur les plus-values de cessions de titres, prévue dans le projet de loi de finances 2013. Un entrepreneur pourrait être taxé à 60,5% selon lui. De quoi décourager l'esprit d'entreprise en France, assure-t-il.
Dans l'après-midi, les Pigeons prennent leur envol. De jeunes entrepreneurs lancent une page Facebook au terme d'une discussion animée, ainsi qu'un compte Twitter. Sur ce réseau social, le mot-clé #geonpi (pigeon en verlan) fait florès et attire de nombreux acteurs de l'économie numérique. Dans la soirée du lendemain, le site DefensePigeons.org est créé depuis le siège de Yopps, une agence de communication numérique. Rapidement, le mouvement trouve son rythme, décolle et les médias s'intéressent au mouvement, à commencer par Euronews, lundi.
Acte 2 : les entrepreneurs adhèrent au message
Les billets de blog fleurissent, la plupart signés par des petits patrons. A l'image de Jean-Louis Bénard, PDG de la société Brainsonic, qui écrivait lundi sur son blog en soutien aux Pigeons : "Une étincelle a suffi pour mettre le feu aux poudres. Ils ne revendiquent aucun parti, aucune organisation patronale : ils en ont juste assez et le font savoir. Trop c'est trop."
Des personnalités reconnues montrent leur intérêt pour le mouvement : Xavier Niel (fondateur d'Iliad et de Free), Marc Simoncini (fondateur de Meetic) ou le cyber-entrepreneur Loïc Le Meur. Gilles Babinet, ex-président du Conseil national du numérique sous Nicolas Sarkozy, fait également part de ses inquiétudes au sujet du projet de budget.
Acte 3 : la contre-attaque s'organise
Mercredi midi. Un groupe d'entrepreneurs tient à marquer son opposition au mouvement, dans une tribune publiée sur le site de Libération : "Le patron de PME de croissance n'est pas cette caricature d'homo economicus mû par le désir de minimiser ses impôts ou de faire une plus-value spéculative en quelques années."
De son côté, le gouvernement souhaite enrayer le mouvement et conteste les chiffres des Pigeons. Le ministère de l'Economie explique que "dans l'hypothèse la plus extrême d'un célibataire qui a déjà 150 000 euros de revenus par ailleurs", on obtiendrait un taux marginal "au final de 58,2%", rapporte le site du Nouvel Observateur.
Acte 4 : l'UMP et le Medef rallient les Pigeons
Dès mercredi matin, l'ancien Premier ministre François Fillon reprend à son compte les revendications des Pigeons et critique "des mesures complètement folles, par exemple la taxe à 60% sur les cessions d'entreprises", au micro de France Inter. "Cela dépasse largement la réaction à telle ou telle mesure. C'est à une sorte de 'jacquerie' ou de 'sécession intérieure' que l'on assiste de la part des entrepreneurs", explique Hervé Novelli, secrétaire général adjoint de l'UMP, dans l'après-midi.
Le Medef prend lui aussi les armes. Sa patronne, Laurence Parisot, explique que l'alignement de la fiscalité "des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut avoir des effets catastrophiques", dans un entretien à L'Express. Elle dénonce un climat de "racisme" anti-entreprise en France.
Acte 5 : le gouvernement fait machine arrière
A l'issue d'une réunion avec les entrepreneurs, Pierre Moscovici a finalement annoncé des mesures pour réduire la taxation des plus-values sur les cessions d'entreprises. "Dorénavant, lorsqu'un entrepreneur cède sa société et réinvestit une partie de cet argent, il bénéficiera d'une exonération à la hauteur de sa part de réinvestissement. L'exonération sera totale si la totalité des plus-values est réinvestie", a-t-il précisé, faisant la différence entre les entrepreneurs qui vendent leur société et les investisseurs qui y ont placé leur argent.
Il a par ailleurs réaffirmé que le gouvernement ne reviendrait pas sur la promesse électorale du président François Hollande d'aligner la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail. Une promesse à laquelle le Medef est toujours farouchement opposé.
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