Pots de Nutella, couches Pampers... Quatre questions sur ces promotions qui provoquent des bousculades à Intermarché
Après des rabais de 70% sur des pots de pâte à tartiner, qui ont déclenché des rixes la semaine dernière dans plusieurs de ses magasins, la chaîne de distribution a récidivé mardi au rayon couches-culottes. Avec les mêmes conséquences.
Des pots de 950 grammes de Nutella vendus à 1,41 euro au lieu de 4,50 euros. Des packs de 86 couches-culottes Pampers proposés à 7,18 euros au lieu de 23,95 euros. Ces incroyables promotions à -70% ont provoqué des bousculades voire des bagarres dans plusieurs magasins Intermarché de France. De tels rabais soulèvent aussi plusieurs questions.
De telles promotions sont-elles légales ?
"Il n'y a pas de limites dans les promotions aujourd'hui, explique Yves Puget, directeur de la rédaction du magazine LSA Commerce et Consommation, interrogé par France 3. Le distributeur peut prendre sur sa marge ou négocier avec l'industriel. On peut vendre aujourd'hui à -70% ou -80% à l'unique condition que ce ne soit pas de la vente à perte."
La vente à perte est interdite par le Code de commerce. Un commerçant ne peut donc pas vendre un produit à un prix inférieur à celui auquel il l'a acheté. S'il enfreint la loi, il encourt 75 000 euros d'amende.
Pour ne pas tomber dans l'illégalité avec ses rabais sur la pâte à tartiner par exemple, Intermarché a donc, en théorie, acheté son Nutella au prix de 1,41 euro le pot de 950 grammes à Ferrero, voire moins. Et puisqu'il le vend habituellement à 4,70 euros, cela signifie qu'il se fait une marge de 233% sur son prix de vente, calcule Libération.
A quelles conditions peut-on vendre à perte ?
La vente à perte est toutefois autorisée dans sept cas, indique le Code de commerce : si l'entreprise cesse ou change d'activité, si la vente du produit revêt un caractère saisonnier, si le produit vendu est passé de mode ou dépassé, si le commerçant s'est réapprovisionné à moins cher, si un concurrent pratique un tarif moins élevé, si le produit est bientôt périmé ou s'il est soldé (ce qui peut être le cas des produits alimentaires). Pour Libération, Intermarché n'aurait pu prétexter que des soldes pour baisser ainsi ses prix légalement sur les couches ou la pâte à tartiner.
Il reste cependant deux conditions à respecter. D'abord, le produit soldé doit avoir été acheté au moins un mois avant le début de la période de soldes. Ensuite, la promotion doit être loyale. C'est-à-dire que le Nutella, par exemple, doit bien être vendu d'ordinaire 4,70 le pot de 950 grammes par Intermarché, comme le prétend sa publicité.
Cette pratique est-elle fréquente ?
"Le 'seuil de revente à perte' en France n’est pas extrêmement contrôlé, il y a peu de contentieux", évalue dans Ouest France Valérie Weil-Lancry, directrice juridique de l’Association nationale des industriels de l’agroalimentaire (Ania). En 2016, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a confirmé cette analyse en relevant une nette augmentation des anomalies dans les opérations de vente en soldes et campagnes promotionnelles de la grande distribution.
La DGCCRF a d'ailleurs lancé dès lundi une enquête sur l'opération promotionnelle lancée par Intermarché sur ses pots de Nutella pour s'assurer de sa légalité, a révélé Le Parisien.
Pas sûr toutefois que ces contrôles effraient les grandes surfaces. "Le Nutella a fait le 'buzz' et toute la presse s’en est emparée. Mais c’est assez fréquent d’avoir du -60% ou -70% sur le deuxième article acheté, observe Valérie Weil-Lancry. Les magasins savent que, même si c’est illégal, avec un risque d’amende, ils s’y retrouvent."
"La promotion a un effet boule de neige qui attire le consommateur, qui va acheter d’autres produits à des prix normaux, poursuit l'experte. Ce qu’ils perdent sur le pot de Nutella, les magasins le rattrapent sur d’autres produits."
Comment le gouvernement réagit-il ?
Les Etats généraux de l’alimentation "ont fait le constat qu’il n’était plus possible d’avoir une politique de prix bas destructrice pour la filière", expose la directrice juridique de l’Ania. Un projet de loi doit ainsi être présenté, mercredi, pour encadrer les pratiques de la grande distribution. Ses mesures phares, détaillées par Europe 1, prévoient notamment de relever de 10% le seuil de revente à perte et de limiter les promotions dans les grandes surfaces à 34% du prix d'achat par le distributeur. Les promotions à -70 %, telles que celles pratiquées par Intermarché, seraient alors interdites.
En prévision de cette future loi, tous les distributeurs ont signé une charte de bonne conduite, qui doit être mise en œuvre pendant les négociations entre industriels et distributeurs, rappelle La Dépêche. Mais le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, comme son collègue de l'Agriculture et de l'Alimentation, Stéphane Travert, font le constat que les engagements ne sont pas respectés.
"Cela fait cinq ans qu'année après année, entre un industriel qui demande une hausse et un distributeur qui demande une baisse, c'est systématiquement des baisses", a déploré sur franceinfo Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (ILEC), qui regroupe des fabricants de produits de grande consommation comme Nestlé, Danone, Bonduelle, Ferrero, Materne ou Findus. Et selon le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation cité par Le Parisien, les distributeurs exigeraient encore de leurs fournisseurs de nouveaux rabais, de 2% à 8%.
Emmanuel Macron a demandé à tous les acteurs de se réunir vendredi et a menacé de dénoncer auprès du grand public ceux qui ne respecteraient pas les bonnes pratiques.
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