Privatisation de la FDJ : faut-il miser sur des actions dès maintenant ?
La Française des jeux détient, notamment, le monopole sur les jeux de tirage et de grattage. Le groupe doit entrer en Bourse le 21 novembre. Près de cent millions d'actions sont mises en vente.
Près de deux milliards d'euros. C'est la somme rondelette que les finances publiques comptent récolter en privatisant un peu plus de la moitié du capital (52%) de la Française des jeux (FDJ). A l'issue de cette opération, l'Etat, actuellement actionnaire majoritaire à hauteur de 72%, ne détiendra plus que 20% de cette société très rentable qui possède, entre autres, le monopole sur les jeux de tirage et de grattage en France. C'est la première fois depuis 2005 – et la privatisation d'EDF – que le grand public est associé à une telle opération initiée par l'Etat.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dévoilé dans Le Parisien la fourchette de prix fixée pour chaque action : entre 16,50 à 19,90 euros. Mais il a précisé que le seuil minimum de souscription sera de 200 euros. Cette souscription pour réserver des actions a été lancée jeudi 7 novembre et court jusqu'au 19 novembre, soit deux jours avant l'entrée en Bourse de la FDJ, prévue le 21.
Vous êtes tenté d'acheter quelques-unes des actions mises en vente ? Attention, il n'y a pas de martingale gagnante, mais quatre éléments à avoir en tête avant de se précipiter.
Une action gratuite pour dix achetées
Pour acquérir des titres Française des jeux, les particuliers doivent s'adresser à un intermédiaire financier (banque, courtier, société de Bourse). Les banques ont l'interdiction de démarcher leurs clients depuis la mise en place de la réglementation Mifid 2 en 2008 et l'Etat devra donc promouvoir seul son opération, notamment à travers une large campagne de publicité.
Pour attirer les petits épargnants et faire de cette privatisation "un succès populaire", selon les vœux du ministre de l'Economie, il est prévu qu'une action gratuite soit accordée pour dix actions achetées, si ces actions sont conservées pendant dix-huit mois. Ces "actions gratuites sont toutefois plafonnées à 5 000 euros d'actions achetées", a prévenu Bruno Le Maire. En outre, une décote de 2% sera appliquée sur le prix de chaque action achetée par un particulier.
"Nous allons encourager les Français à ouvrir un plan d'épargne en actions (PEA) pour y placer leurs titres FDJ", a également précisé Martin Vial, commissaire aux participations de l'Etat, cité par le site Le Revenu.
L'entreprise est très rentable
C'est un atout pour la vente. Héritière de la loterie nationale créée en 1933, la Française des jeux est une des rares entreprises publiques françaises en bonne santé financière grâce au monopole sur des secteurs très porteurs, comme les jeux de tirage et de grattage mais aussi la vente de paris sportifs en réseau physique. "Nous sommes en situation de nous présenter à de nouveaux investisseurs. Notre croissance est solide et régulière", a ainsi déclaré, à la mi-octobre, Stéphane Pallez, la PDG du groupe.
Avant la privatisation, la société a ainsi fait valoir qu'elle "a engrangé des mises en hausse de 9% au troisième trimestre 2019, à 4,12 milliards d'euros, grâce à l'envol des jeux de tirage", selon Capital, et qu'elle table sur une croissance de 7% des mises en 2019. Autre chiffre flatteur : la FDJ, deuxième loterie européenne et quatrième mondiale, a affiché 5% de "croissance en moyenne au cours de ces vingt-cinq dernières années", selon sa patronne citée par Le Parisien. L'an dernier, la société a distribué 130 millions d'euros de dividendes.
L'introduction en Bourse "est l'opportunité de se réintéresser à la Bourse sur un produit facile, a vanté la PDG Stéphane Pallez. Quand on est un particulier, il faut investir sur la durée. On a un rendement attractif sur une valeur moins risquée du fait de son profil, de la sécurité de son monopole sur 25 ans".
Les privatisations ne sont pas toujours de bonnes affaires
Mais ces atouts ne garantissent pas de façon automatique le "succès populaire" souhaité par le gouvernement : les petits porteurs ont en effet été mis à mal par la crise de 2008, et ils gardent en tête les exemples des entrées en Bourse d'EDF (2005) et de France Télécom (1997), dont les cours restent aujourd'hui en dessous de leur niveau d'introduction. "Les cinq millions d'actionnaires individuels ayant souscrit à l'introduction d'EDF en 2005 à un prix de plus de 33 euros doivent s'en mordre les doigts", écrit ainsi le magazine Mieux vivre votre argent. En effet, le cours de l'action du géant de l'énergie français s'élève aujourd'hui à seulement 15,90 euros.
Le Parisien cite aussi l'exemple d'Air France : "Si vous aviez investi 1 000 euros lors de son introduction [en 1999], vos titres auraient perdu 24,6% de leur valeur sur vingt ans, et votre portefeuille serait aujourd'hui à 754 euros. Avec les dividendes, la baisse de votre placement aurait été contenue à 10%." En revanche, Renault s'est avéré être une "bonne surprise" : "Avec les dividendes, votre placement aurait plus que doublé, à 122%", écrit le journal. Il appartient donc aux épargnants d'évaluer les risques et d'agir en connaissance de cause.
L'achat dès l'entrée en Bourse est un pari risqué
Ce n'est pas le seul point qui mérite réflexion. Le magazine Mieux vivre votre argent conseille en effet de ne pas se précipiter lors des introductions en Bourse. "Elles ne sont généralement pas les meilleurs points d'entrée pour devenir actionnaire d'une société", écrit le média spécialisé. En effet, "les banquiers d'affaires, tout comme les vendeurs, ont souvent tout intérêt à maximiser le prix du cours" à ce moment-là. Dans ces conditions, il peut donc être préférable d'attendre "de meilleures opportunités de valorisation dans les semaines, voire les mois qui viennent".
Maxime Chipoy, directeur du site spécialisé MoneyVox, délivre le même conseil aux épargnants intéressés par des actions FDJ. "En général, l'action se stabilise quelques semaines après une introduction, explique-t-il à LCI. Les plus prudents pourront donc laisser passer cette période avant de se décider. À chacun de trouver sa stratégie".
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