: Vidéo Comment Vinted, site phare du commerce de seconde main, peine à lutter contre les contrefaçons

Utilisatrice chevronnée de Vinted, Cécile de Maeyer scrute le site régulièrement à la recherche de sacs à main de luxe, dans lesquels investir. En une dizaine d'années, elle s'est constitué une belle collection.

Au printemps dernier elle flashe pour un nouveau modèle, vintage, dont elle a conservé quelques photos. "Il y avait plusieurs photos du sac, des détails, etc., mais pas non plus des détails hyper précis, décrit-elle au souvenir de l'annonce postée sur la plateforme. Je parle à la vendeuse, je lui demande un petit peu d'où vient le sac... De mémoire, il appartenait à sa famille."

Dubitative, elle opte pour un service payant de Vinted : moyennant 10 euros de sa poche, le site s'engage à inspecter le produit dans un centre dédié près de Hambourg, en Allemagne. Contrôle couronné de succès. Mais lorsqu'elle le reçoit et le compare avec un sac identique, déjà en sa possession, elle relève une série d'anomalies : "C'est vraiment au niveau de la visserie et des défauts que ça m'a choqué en premier lieu."

Sac original en main, elle détaille : "Sur l'article authentique, vous voyez que c'est lisse, il n'y a vraiment aucun défaut. Sur la contrefaçon, vous aviez vraiment des bavures, en fait, des bavures de jointure. Une fois qu'on sent le sac aussi, vous avez vraiment une forte odeur de chimie désagréable.

"Ça m'inquiète que sur une contrefaçon de base, ils valident que c’est du vrai, alors que c’est du faux. Je trouve que c'est un peu dangereux pour les acheteurs, parce que ça met une fausse confiance."

Cécile de Maeyer, utilisatrice de Vinted

à "l'Œil du 20 heures"

La jeune femme ouvre un litige sur la plateforme. Confronté à ses arguments, Vinted reconnaît l'échec de sa certification : Cécile est remboursée et le faux sac, renvoyé à la vendeuse. "Ça m'inquiète que sur une contrefaçon de base, ils valident que c'est du vrai, alors que c'est du faux, s'offusque-t-elle. Je trouve que c'est un peu dangereux pour les acheteurs, parce que ça met une fausse confiance."

Pourtant, depuis un an, la plateforme s'attelle à rassurer à longueur d'articles dans la presse. "Un service de vérification, pour plus de confiance", "Adieu contrefaçon, bonjour authentification", titrent des magazines spécialisés. Dans sa communication, le site met en avant son équipe de 20 experts en Allemagne, chargée de contrôler physiquement les articles, ainsi que 200 experts en ligne. Sollicitée, l'entreprise lituanienne ajoute : "Des outils automatisés, tels que des filtres et algorithmes sont utilisés pour détecter les articles suspicieux. (...) Vinted est fermement engagé pour lutter contre la contrefaçon."

"Moi je m'étais fait environ 2 500 euros en deux jours"

Mais cette sécurité semble facilement déjouée par des fraudeurs. Sur certains comptes Vinted, un acheteur trouvera facilement des vêtements de grande marque vendus trois à quatre fois moins cher qu'en boutique. Comment expliquer ce luxe à prix cassés ?

"C’est tout le temps la même marge environ, on fait du fois deux, fois trois. Moi, je m'étais fait environ 2 500 euros en deux jours."

Vendeur de contrefaçons

à "l'Œil du 20 heures"

Un utilisateur de Vinted, vendeur de contrefaçons, a accepté de nous détailler sa méthode. Il se fournit sur des plateformes étrangères, hébergeuses de grossistes spécialisés dans les produits contrefaits. "Tu peux communiquer avec des grossistes, tu peux faire des appels vidéo, tu peux choisir tes pièces, tu peux directement voir la qualité, choisir les articles, les tailles, la couleur et tout, confie-t-il. C'est tout le temps la même marge environ, on fait du fois deux, fois trois. Moi je m'étais fait environ 2500 euros en deux jours."

Des fausses preuves d'achat

Et pour justifier l'origine des articles sur la plateforme de revente de seconde main, les fraudeurs vont jusqu'à produire de fausses preuves d'achat. Laetitia Gatti en a fait l'expérience. Au printemps dernier, elle commande des écouteurs Apple sur Vinted. Mais après deux mois tout juste d'utilisation, ils n'étaient plus fonctionnels.

"Ma fille a commencé à avoir des bruits bizarres dans les oreilles : un sifflement persistant au début qui disparaît ensuite, se remémore-t-elle. Là, elle a donc un doute et elle se présente directement chez Apple avec le produit. Tout de suite, ils lui ont dit que c'était du faux."

À l'achat, elle avait pourtant bien reçu une facture. Sur le papier, tout est vrai, ou presque. "Il n'y a pas le numéro de série des AirPods sur la facture, pointe-t-elle. Et le nom de la personne sur la facture et le nom de la personne sur Vinted ne sont pas les mêmes." Nous avons présenté la facture en magasin. Les vendeurs sont catégoriques : le numéro de commande est introuvable dans leur fichier. 

"Faciliter vos ventes de fake resell"

Ces fausses factures s'achètent par pack sur des forums de discussion spécialisés. Sur le canal Discord que nous avons infiltré, pour 50 euros, on nous propose par exemple "+ de 100 factures et tickets de caisse pour faciliter vos ventes de fake resell [vente de faux]. Toutes les marques sont présentes : Louis Vuitton, Nike, Gucci, Apple, Boulanger". Nous nous sommes procuré ce fichier : il fournit clé en main des factures originales, et des versions nettoyées, programmées pour être complétées avec l'adresse et le montant de son choix.

Alors pour acheter du luxe de seconde main sans se faire piéger, les spécialistes du secteur comme l'Union des fabricants recommandent de se méfier des prix trop attractifs et de veiller à la crédibilité des vendeurs. Une quantité suspecte d'articles similaires vendus par un même profil, ou des avis négatifs laissés par d'autres acheteurs, constituent de premiers indices.

De son côté, Vinted assure prendre des sanctions contre les fraudeurs. En 2023, le site aurait retiré deux millions de contrefaçons sur sa plateforme.