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Grève des transports à Paris : "Je dois aller au travail, il faut que je trouve une trottinette"

Difficile de se déplacer en Ile-de-France ce vendredi matin, surtout lorsqu'on n'est pas préparé à enfourcher trottinettes, vélos ou autres deux-roues urbains.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Loup Adénor
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des trottinettes se substituent aux métros qui ne circulent pas depuis le début de la grève des transports. (MATHIAS ZWICK / HANS LUCAS / AFP)

"La ligne 12 ne circule pas, madame, il faut aller à Vavin pour prendre la 4." Tous les accès aux souterrains du métro sont fermés. Il est 8 heures du matin, vendredi 13 septembre, dans le quartier de la gare Montparnasse et la grève des transports annoncée par les agents de la RATP, qui protestent contre la réforme des retraitesa commencé

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Les usagers, pourtant prévenus dès jeudi à grand renfort de flash info, descendent par habitude les escaliers du métro avant de relever le nez, circonspects. Une jeune femme dans l'uniforme vert bronze de la RATP échange quelques mots avec des collègues, puis lève la tête vers les badauds qui espèrent pouvoir entrer dans le métro. Elle dispense de brèves informations : les souterrains sont inaccessibles, il faut se rendre à une autre station, à Vavin ou Saint-Placide. Une femme plus âgée, visiblement nerveuse, s'indigne. L'agent hausse les épaules et tourne les talons : "Je n'y peux rien..."

Les Parisiens étaient avertis : cette grève allait être massive. Et sur les trottoirs du quartier aux cinémas, situé au carrefour des 15e, 14e et 6e arrondissements de la capitale, on repère aisément ceux qui ont été prévoyants. Ceux-là, dont une grande proportion de parents prêts à affronter le bitume pour déposer leur progéniture à l'école, ont plébiscité le recours aux deux-roues. De quoi densifier la circulation aux abords du boulevard Montparnasse, d'ordinaire déjà très emprunté. Sur la chaussée et les trottoirs, les vélos disputent l'espace aux trottinettes tout en tâchant de se faufiler dans les bouchons créés par les voitures. Les plus heureux : les bandes de gamins filant ensemble vers l'école sur leurs trottinettes.

"Beaucoup de gens ont pris leurs dispositions"

D'autres ont certainement eu un début de journée plus délicat. Parmi eux, les agents de la RATP eux-mêmes, dont certains étaient chargés d'aiguiller, d'informer ou de rassurer les usagers. Une tâche pour le moins compliquée, tant les solutions alternatives sont rares. A Vavin, un jeune homme souriant s'empresse de diriger la foule vers la gare "au bout du boulevard, droit devant vous". Lorsqu'on lui demande comment tout ça se passe, il se montre plutôt rassurant : "C'est encore calme, beaucoup de gens ont pris leurs dispositions. Et puis, pour l'instant, la ligne 4 circule encore." Pour l'instant ? Si la RATP est parvenue à maintenir une partie des trains pour les heures de pointe du matin, dès 9h30, plus aucune ligne ne circule "faute de conducteur", précise l'agent. Deux lignes sont épargnées, "la une et la 14, qui sont automatisées".

Sur le parvis de la gare, le vert bronze cède sa place aux gilets rouges des agents de la SNCF qui tentent eux aussi d'aiguiller les voyageurs. A la sortie, un homme nous interpelle : "Où est le métro ? Je dois être place de l'Etoile dans 15 minutes. J'ai une formation." Il vient de Saint-Quentin-en-Yvelines et cherche la ligne 6. Une fois la situation mise au clair, il lance un regard résigné à la file de taxis opportunément installée près de la gare. Même en voiture, le trafic est tel qu'il sera, de toute façon, en retard.

"J'ai marché depuis Belleville"

Peu avant 9 heures, la situation semble bien plus apaisée sur le quai de la ligne 4 que dans les rues de Montparnasse, à Saint-Placide. Alors que le trafic sera bientôt quasi-totalement interrompu, le métro nous emmène à Châtelet dans un wagon bien rempli, mais pas bondé. Le chauffeur annonce que nous ne marquerons pas certains arrêts. Une fois à Châtelet, le calme relatif de Saint-Placide a bel et bien disparu.

Dans le labyrinthe de cette station tentaculaire, chacun semble chercher une solution de transport. A la surface, c'est encore pire. Les pistes cyclables sont envahies par les trottinettes et les vélos, créant de véritables doubles files dans les couloirs qui leur sont réservés. Devant le métro, un homme en rollers manque de percuter un camion de la propreté de Paris. Il s'arrête, insulte copieusement les conducteurs avant de reprendre sa route sous les regards de la foule. 

"J'ai marché depuis Belleville", nous confie un jeune homme qui tente de se rendre dans le 15e arrondissement. "J'ai essayé de prendre un vélo, mais toutes les bornes sont vides, il ne reste plus que les vélos endommagés". Mais alors, et les trottinettes, et les vélos en libre-service ? Pourquoi ne pas appeler un VTC ? "Je n'ai pas toutes ces applications sur mon téléphone", explique-t-il simplement. Et à pied ? "J'en ai pour une heure et demie." 

Un peu plus loin, un homme habillé très chic, la cinquantaine passée, examine les trottinettes vertes qui ont envahi Paris ces derniers mois. "Vous n'avez pas de vélo ? – Non, je dois aller au travail, il faut que je trouve une trottinette", répond-il, laconique, avant de reprendre ses recherches.

"On n'arrête pas de nous appeler"

Vient 9h30, l'heure fatidique de l'arrêt de toutes les lignes non automatisées. A l'exception de la ligne 1 et de la ligne 14, qui traversent Paris d'est en ouest, la circulation est donc complètement interrompue jusqu'au soir. A Châtelet, les agents se hâtent de fermer certains accès, pour limiter l'afflux dans les souterrains. Près des quais de la ligne 4, certains Parisiens doivent rebrousser chemin, s'apercevant que le métro ne viendra plus. Une octogénaire tirée à quatre épingles, un petit sac de voyage à l'épaule, s'énerve contre le métro. "Ils avaient dit service partiel, ils avaient dit un métro sur trois. J'ai un train, je dois aller à Montparnasse." Nous lui indiquons le tableau des bus. Prochain passage pour la gare : 17 minutes...

Bien sûr, s'il est une entreprise qui pourrait bien se frotter les mains grâce à cette grève, c'est Uber. Le service de VTC doit faire face à une forte demande et ses chauffeurs à un trafic routier très difficile. Après une vingtaine de minutes d'attente, nous abandonnons le tumulte automobile du centre de Paris pour l'arrière d'une berline noire. "C'est difficile, aujourd'hui ?" demande-t-on au chauffeur. "Très difficile. Mais c'est aussi une aubaine, on n'arrête pas de nous appeler."  

Selon l'Unsa, la CGT et la CFE-CGC, la grève a été massivement suivie. Entre 60% et 98% des salariés, selon les secteurs, auraient décidé de suspendre le travail ce vendredi pour protester contre la réforme des retraites présentée par le gouvernement et, plus particulièrement, la disparition du régime spécial dont bénéficient les agents de la RATP.

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