Sans-abri : faute de places, "nous ne pourrons diriger les gens vers rien"
Monique Maitte, ancienne SDF et porte-parole du collectif SDF Alsace, regrette sur franceinfo l'insuffisante mobilsation de l'Etat auprès des sans-abris alors que le plan hiver débute jeudi en France.
"Nous ne pourrons diriger les gens vers rien puisque nous allons manquer de place, nous le savons. Je pense que ce serait bien d'en profiter pour qu'elles [les maraudes] fassent le recensement et qu'on avance sur le vrai chiffre des personnes à la rue", a proposé sur franceinfo Monique Maitte, ancienne SDF et porte-parole du collectif SDF Alsace alors que le plan hiver débute jeudi en France.
franceinfo : 14 000 places supplémentaires en cas de grand froid, 5 millions d'euros pour multiplier les maraudes… La mobilisation de l'État est-elle suffisante ?
Monique Maitte : Non. Et pourtant il y a plein de bonnes choses qui sont annoncées. Mais là, il y a un plan hivernal qui se construit sur le même nombre de places à peu près que l'année dernière. L'année dernière, nous avions beaucoup de personnes sans solution. Cette année, il y en aura plus, pour différentes raisons : par exemple, nous sommes un département sur lequel il y a un flux migratoire constant, qui est au-dessus de la moyenne nationale. Donc ce sont des personnes qui nous obligent, parce que c'est une obligation de les mettre à l'abri au minimum, et nous avons une augmentation des jeunes sans-abri qu'il ne faut surtout pas oublier. Et malheureusement, les femmes sans-abri également, sont un peu les oubliées dans toutes ces histoires. C'est juste incompréhensible, parce que souvent ce sont des femmes, même les très jeunes filles également qui sont nombreuses, qui ont vécu des violences et la rue c'est un maximum de violences supplémentaires.
Cet hiver 2018 sera pire que l'an dernier ?
Pour nous, oui, il sera pire, même compte tenu des très bonnes nouvelles que nous avons sur le département. Nous sommes un territoire désigné pour "Le logement d'abord". Les maraudes [budget en augmentation], c'est aussi une bonne nouvelle. Nous ne pourrons diriger les gens vers rien puisque nous allons manquer de place, nous le savons. Je pense que ce serait bien d'en profiter pour qu'elles fassent le recensement et qu'on avance sur le vrai chiffre des personnes à la rue. Ensuite, il y a un point sur lequel il faut appuyer. C'est que le gouvernement a, dans ses bons objectifs, l'idée de réduire les nuitées d'hôtel. Non seulement ça coûte très très cher mais en plus ça ne sert strictement à rien. C'est du temporaire qui dure trop longtemps. Nous manquons d'hébergements dignes, nous le savons. Et en même temps le gouvernement a diminué l'enveloppe pour tous les CHRS [Centre d'hébergement et de réinsertion sociale]. Il aurait au minimum fallu ne pas la toucher et mettre suffisamment de financements dans les nouveaux projets Logement d'abord. Mais là, nous avons la loi Elan [(Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique], nous avons les offices HLM qui vont avoir moins d'argent aussi. Donc on va moins construire. On a plein de bons projets, on part sur des idées de logement et de pérennisation des places mais en même temps on réduit les financements. Donc c'est un peu contradictoire.
Comment prenez-vous la promesse d'Emmanuel Macron qu'il n'y aurait plus de SDF fin 2017 ?
Macron, le pauvre, je ne comprends qu'il ait dit ça. Nous [cette promesse] nous reste en travers de la gorge depuis Jospin. Ce n'est pas nouveau. Zéro SDF, le premier à le sortir, c'est Jospin. Les gens doivent s'en souvenir, doivent le savoir. Non, on s'en fiche de ça. Ce n'est qu'une formule. Ce qu'on regarde, ce sont les propositions. Et là, les propositions sont noyées dans des discours politiques. On nous parle de plein de trucs mais au bout du compte sur les places… On nous parle beaucoup aussi des familles. Les hôtels ce sont de bonnes économies. Où va l'argent ? Ce serait bien que l'argent économisé sur les nuits d'hôtel revienne au CHRS et au projet Logement d'abord.
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