Échange des données fiscales entre 50 États : "Un grand coup de poignard contre le secret bancaire"
L'économiste Christian Chavagneux, invité samedi de franceinfo, a salué le renforcement de la coopération fiscale, tout en regrettant qu'il existe encore "des moyens de contournement".
Le gouvernement a confirmé vendredi 29 septembre la fermeture, le 31 décembre prochain, des guichets dédiés aux évadés fiscaux, instaurés pour favoriser la régularisation des comptes détenus illégalement à l'étranger. En un peu plus de quatre ans, la France aura recouvré près de 8 milliards d'euros. Si ce Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) disparaît, c'est parce qu'un nouveau système est mis en place ce mois-ci : l'échange automatique de données entre 50 États, sous l'égide de l'Organisation de coopération et développement économique (OCDE).
Invité de franceinfo samedi, l'économiste et éditorialiste Christian Chavagneux a salué "un grand coup de poignard dans le secret bancaire", même s'il existe encore "des moyens de contournement".
franceinfo : Avec le nouveau système, le fisc français saura-t-il immédiatement qu'un Français ouvre un compte au Luxembourg ?
Tout à fait, les États vont échanger des informations sur leurs non-résidents, sur les étrangers qui viennent chez eux. Jusqu'à hier, vous alliez en Suisse ou au Luxembourg, vous ouvriez un compte en banque, vous achetiez des titres financiers, et vous pouviez ne pas le déclarer si vous estimiez que vous ne vouliez pas être taxé sur les résultats obtenus. À partir de ce mois-ci, dans une cinquantaine d'États, et à partir de septembre 2018 dans une quarantaine d'autres, si vous êtes Français et que vous ouvrez un compte en Suisse ou au Luxembourg, le fisc français sera automatiquement informé de l'ouverture de ce compte en banque et des opérations financières que vous pouvez réaliser à partir de celui-ci.
Concrètement, demain, les Bermudes ou les îles Caïmans ne seront plus des paradis fiscaux ?
En tout cas, il n'y aura plus de secret bancaire à des fins fiscales. Il faut le dire, cette mise en œuvre de l'échange automatique de données est un grand coup de poignard dans le secret bancaire. Il existe toutefois un moyen de contournement assez important. Beaucoup de pays vendent aujourd'hui des passeports. Par exemple, si vous avez 250 000 euros à placer, ce qui est le cas des très riches, si vous les mettez dans l'industrie sucrière de la petite île du Pacifique de Saint-Kitts-et-Nevis, on vous donne un certificat de résidence de cette île. Donc vous arrivez en Suisse, même si vous êtes Français, vous présentez votre certificat de résidence de Saint-Kitts-et-Nevis et l'échange automatique de données se fera entre la Suisse et cette île. Il y a donc des moyens de contournement. Mais pour la première fois, il y a cette attaque très forte contre le secret bancaire. Vous m'auriez dit cela il y a quatre ou cinq ans, je ne vous aurais pas cru.
Quel manque à gagner la France peut-elle espérer récupérer ?
C'est difficile à dire. On pense que la France perd entre 40 et 60 milliards d'euros de recettes fiscales chaque année, tous fraudeurs confondus, particuliers et entreprises. Au moment où on essaie d'équilibrer les budgets, c'est très important.
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