: Vidéo Sanctionner plus (les fournisseurs) pour gagner plus : "Les pénalités logistiques, c'est le sport national de la grande distribution"
En pleine flambée des prix, "Complément d'enquête" consacre son numéro de rentrée à un monde aux pratiques opaques : la grande distribution. Cet extrait d'un document sur "les coups bas des hypers" vous fait découvrir un système très lucratif pour les grandes enseignes : les innombrables pénalités qu'elles infligent à leurs fournisseurs.
C'est une manne qui représenterait 250 millions d’euros par an pour la grande distribution, toutes enseignes confondues, selon le Sénat. Un système aussi lucratif que contesté : celui des pénalités logistiques, ou "indemnités fournisseurs", selon la terminologie du secteur.
"Franchement, le sport national, avec la grande distribution, c'est les pénalités logistiques. Et on peut atteindre des sommes faramineuses. Chez Carrefour, sur des pénalités, en un peu moins d'un an, on avait quasiment 200 000 euros."
Une ancienne cadre de Carrefourà "Complément d'enquête"
Au moindre retard de livraison, en cas de colis manquant ou d’étiquetage erroné, des sanctions financières, parfois très importantes, sont appliquées. Du point de vue des grandes surfaces, ces pénalités, prévues par leurs contrats logistiques, sont justifiées : les retards, par exemple, perturbent leur organisation. Mais ne les auraient-elles pas transformés en source de profits ? Les pénalités seraient-elles devenues une source de revenus déguisés pour la grande distribution ?
"Les pénalités, c'est un système qui leur permet de faire de la marge. En fait, ils gagnent plus d'argent à ne pas être livrés qu'à être livrés."
Un industrielcontacté par "Complément d'enquête"
"Nous, on avait des objectifs là-dessus, affirme un ancien cadre du groupe Carrefour, c'est-à-dire qu'on devait avoir un certain montant d'indemnités à récupérer auprès des industriels." Certaines enseignes inciteraient ainsi leurs responsables d'entrepôt à améliorer leurs performances en matière de pénalités. Chez Auchan, le montant des "indemnités fournisseurs" à encaisser en 2021 était fixé à 27 millions d'euros, selon un document interne. Chez Casino, des directives auraient été données dans le sens d'une plus grande intransigeance.
"Un mec qui arrivait avec un quart d'heure de retard parce qu'il y avait des bouchons, hop, une pénalité... un colis non conforme, boum, une pénalité... un colis vérifié a posteriori, boum, une pénalité..."
Un ancien cadre de Casinoà "Complément d'enquête"
Sollicités, Auchan et Casino n'ont pas répondu aux questions de "Complément d'enquête". Carrefour, de son côté, affirme que "la fixation des pénalités est proportionnée aux manquements, et tient toujours compte des difficultés propres à un fournisseur". Le groupe fait aussi état d'une charte commune dans laquelle les distributeurs s'engagent à échanger avec leurs fournisseurs sur les difficultés qui peuvent naître du contexte de la crise actuelle.
En mars 2022, le Sénat a estimé que ces pénalités constituaient bien des revenus déguisés, mais dès janvier, l'Assemblée nationale avait sifflé la fin de la partie. Les pénalités doivent désormais "être proportionnées au préjudice subi", et "la preuve du manquement apportée par le distributeur, par tout moyen". Pourtant, des documents que "Complément d'enquête" a pu consulter montrent que Leclerc inflige toujours à ses fournisseurs des pénalités forfaitaires en pourcentage, sans justifier précisément le préjudice financier...
Extrait de "Inflation : les coups bas des hypers", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 1er septembre 2022.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.