L'agence de notation Moody's a abaissé mardi la note souveraine du Portugal de quatre crans, avec perspective négative
La dette souveraine à long terme de Lisbonne a été reléguée de la catégorie Baa1 à Ba2, soit spéculative ("junk").
Moody's est la première des trois grandes agences de notation - toutes américaines - à placer la note portugaise en catégorie spéculative.
Standard & Poor's et Fitch évaluent le Portugal à BBB-, soit le dernier niveau de la catégorie investissement.
L'agence redoute notamment que Lisbonne ne soit pas en mesure d'atteindre ses objectifs en matière de réduction du déficit et de stabilisation de la dette tels que fixés dans l'accord d'aide financière conclu avec l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI).
Selon Moody's, il existe en conséquence un risque croissant que le Portugal ait besoin d'un second plan d'assistance financière avant d'être en mesure de se financer lui-même sur les marchés internationaux.
La probabilité que Lisbonne ne parvienne pas à ramener ses coûts d'emprunt à un niveau lui permettant de se financer sans aide au deuxième semestre 2013 s'accroît également, ajoute l'agence.
En échange d'un prêt de 78 milliards d'euros décidé en mai, le Portugal s'est engagé auprès de l'Union européenne et du Fonds monétaire international à mettre en oeuvre un exigeant programme de rigueur et de réformes sur trois ans afin de ramener son déficit public de 9,1% du PIB en 2010 à 5,9% cette année, puis à 3% en 2013.
Lisbonne défend son programme d'austérité
Le gouvernement portugais a aussitôt réagi à la décision de Moody's, qui selon Lisbonne met en évidence la vulnérabilité de l'économie portugaise dans le contexte de la crise de la dette. Le gouvernement portugais a toutefois estimé que Moody's n'avait pas tenu compte du fort soutien politique apporté dans le pays au programme d'austérité, ni de la mise en place d'un impôt supplémentaire.
Le nouveau gouvernement a présenté la semaine dernière un programme qui se veut "plus ambitieux" que le plan d'aide international pour respecter les objectifs budgétaires cette année avec notamment l'anticipation de mesures d'austérité, parmi lesquelles des privatisations ou la restructuration des entreprises publiques, et la création d'une taxe spéciale sur les revenus.
Le ministère des Finances rappelle que le gouvernement de droite, qui dispose d'une confortable majorité absolue au Parlement après les élections législatives anticipées du 5 juin, bénéficie de "conditions favorables pour respecter l'intégralité des objectifs macroéconomiques et des réformes structurelles".
Bruxelles critique les agences de notation
La Commission européenne a sévèrement critiqué mercredi la dégradation brutale du Portugal par l'agence de notation Moody's. Selon elle, cela risque d'aggraver la crise de la dette en zone euro, et elle a plaidé pour un organisme européen de ce type afin de faire contrepoids.
José Manuel Barroso, qui est portugais et fut Premier ministre dans son pays avant de venir à Bruxelles, a critiqué une décision qui "ajoute un élément spéculatif" à une situation déjà compliquée. Il a encouragé le gouvernement de Lisbonne à maintenir le cap de son plan de rigueur.
"Cet épisode malheureux soulève une fois de plus la question du comportement des agences de notation et de leur soi-disante clairvoyance", a déclaré au même moment à Bruxelles le porte-parole de l'exécutif européen pour les questions économiques, Amadeu Altafaj. José Manuel Barroso s'est prononcé indirectement pour la création d'une agence de notation basée en Europe, alors que les trois qui aujourd'hui font la loi sur la planète financière mondiale sont toutes américaines.
"Une décision un peu extrême"
Anthony Thomas, analyste chargé du Portugal chez Moody's, a indiqué à Reuters que "des preuves que le Portugal atteint ou dépasse ses objectifs de réduction du déficit" seraient un élément positif qui pourrait pousser l'agence à ramener sa perspective de négative à stable.
Felipe Garcia, directeur du cabinet de consultants Informacao de Mercados Financeiros, à Porto, a jugé que la décision de Moody's était "un peu extrême", et qu'elle aggraverait probablement les inquiétudes portant sur la dette du pays.
De son côté, la France a réaffirmé faire confiance au Portugal. "Ce n'est pas le regard d'une agence de notation qui va régler la question des dettes souveraines", a dit mercredi le ministre français de l'Economie et des Finances, François Baroin.
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