La Russie a encore abaissé lundi sa prévision de récolte de céréales de 10 millions de tonnes
Le pays prévoit 60-65 millions de tonnes contre 90 habituellement.
L'interruption par la Russie de ses exportations de céréales en raison de la canicule a déjà créé une situation "sérieuse". Si la flambée des prix se poursuivait, elle pourrait causer des problèmes de sécurité alimentaire dans les pays pauvres, selon la FAO.
Cette décision du troisième exportateur mondial de blé, "représente un élément d'instabilité sur le marché" des céréales et "une situation qui n'était pas grave est devenue maintenant sérieuse", a déclaré à l'AFP Abdolreza Abbassian, un membre de la FAO, l'Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture.
Selon le secrétaire du Groupe intergouvernemental sur les céréales, cette annonce "inattendue et très rapide" risque d'"interrompre le commerce" international des céréales provisoirement, les détenteurs de réserves tablant sur une poursuite de la hausse des prix.
Jeudi, le prix de la tonne de blé, déjà en hausse de plus de 40% depuis début juillet, a grimpé à 230 euros en Europe, son plus haut niveau depuis deux ans et demi.
Si la tendance perdurait, il faudrait donc s'attendre à une hausse des prix des produits de grande consommation à base de farine comme le pain ou les pâtes.
Cependant, tempère un trader, "la hausse est spectaculaire mais artificielle. Elle est simplement due à l'arrivée des fonds spéculatifs. Leur présence a raffermi une situation déjà tendue".
Crainte d'un scénario semblable à celui de 2007-2008
"Bien sûr, a souligné l'expert, si les prix augmentent dans les pays pauvres et à bas revenus, cela causera certainement des problèmes, comme en 2007-2008", quand la flambée des prix des produits alimentaires avait frappé de plein fouet les pays les plus pauvres, provoquant des émeutes de la faim en Afrique, dans les Caraïbes et en Asie.
La FAO a revu à la baisse cette semaine ses prévisions de production mondiale de blé pour 2010 à 651 millions de tonnes contre 676 millions annoncées en juin, en raison de "conditions météorologiques défavorables ces dernières semaines".
Les spécialistes rappellent que les moissons ne sont pas encore achevées dans l'hémisphère Nord et que celles du Sud (Argentine, Australie) ne débuteront que dans quelques mois. De plus, les stocks mondiaux sont amplement suffisants pour combler le recul des productions "après deux années consécutives de récoltes record".
Embargo de la Russie
La Russie, troisième exportateur mondial de blé, a annoncé jeudi un embargo sur les exportations de blé et les produits dérivés jusqu'à la fin de l'année.
L'annonce du Premier ministre Vladimir Poutine a accentué la flambée des cours du blé sur les marchés mondiaux. Le premier vice-Premier ministre ruse Igor Chouvalov a d'ailleurs souligné vendredi que cette décision "pourrait être révisée en fonction des récoltes".
Canicule ou excès de pluie, les raisons de la baisse des récoltes de blé
La Russie, en proie aux incendies depuis plusieurs jours, traverse une canicule historique, l'Ukraine et le Kazakhstan connaissent eux une chaleur intense et un manque de précipitations dramatique pour les cultures.
Au Canada, la récolte a souffert d'un excès de pluies et la production est attendue à 18,45 Mt (mégatonnes) en 2010, soit 20% de moins qu'en 2009.
Les pays de l'Union européenne n'ont pas été épargnés par la chaleur à l'Ouest (France, Allemagne notamment) ou les fortes pluies à l'Est (Hongrie, Roumanie, Bulgarie). Les analystes situent désormais la production de blé de l'UE entre 126 à 129 Mt contre 131 Mt attendue il y a peu et 138 Mt récoltés l'an passé.
Face à une situation mondiale tendue, certains importateurs cherchent à assurer leurs approvisionnements un peu plus tôt qu'à l'ordinaire.
Ainsi, l'Egypte a acheté samedi dernier 180.000 tonnes de blé auprès de la Russie qui, pour l'heure, ne semble pas vouloir restreindre ses exportations. Les acheteurs du Caire ont payé entre 238 et 243 dollars une tonne de blé qui valait encore 183,50 dollars au début du mois.
L'envolée des prix du blé a tiré les autres céréales vers le haut à l'exemple du maïs qui progressait de 9 euros lundi matin sur l'Euronext (contrat de novembre à 187,50 euros).
"Compte tenu de la flambée actuelle des prix, les consommateurs du Sud et du Nord de l'Union européenne pourraient se tourner vers le maïs brésilien", a affirmé un intermédiaire.
Sur le marché physique (gré à gré), les acheteurs restaient à l'écart des affaires, affolés par l'envolée des cours sur les marchés à terme. La tonne de blé de qualité standard valait 202 euros et celle d'orge fourragère 185 euros, le tout livrable à partir d'octobre sur le port de Rouen.
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