Les enjeux de la finance islamique en France
Deux cent candidats rêvaient d'intégrer le master de finance islamique de Dauphine. Seuls quarante heureux élus, dont la moitié de professionnels envoyés par des banques ou sociétés d'assurances, vont découvrir les spécificités de ce secteur encore peu connu. Objectif : tout maîtriser des montages financiers aux noms exotiques, tels "Bei'Salam", "Ijara" ou "Murabaha". Dans un premier temps, les étudiants devront décortiquer ces outils. Ensuite ils apprendront à les assembler pour gagner de l’argent.
Principe fondateur de la finance compatible avec les principes de la Charia : le partage du risque. Contrairement à la finance traditionnelle, si un projet échoue, investisseur et emprunteur partagent les pertes. Il faut également respecter les interdits dictés par la finance islamique. A savoir les intérêts ("Riba"), la spéculation ("Gharar"), certaines activités (armes, alcool, pornographie, jeux…). ..
Ce potentiel économique, Bercy n’a pas mis longtemps à en dessiner les contours. Elyès Jouini a d’ailleurs participé l’année dernière à la rédaction avec son confrère Olivier Pastré, d’un rapport complet sur l’état actuel de la finance islamique dans le monde, et de ses potentialités.
Face à Londres qui depuis dix ans s’est imposée comme place financière privilégiée pour la finance islamique, Paris sort le grand jeu. Il y a un an déjà (voir vidéo ci-dessous) Christine Lagarde lançait les premiers signaux d’appels aux investisseurs islamiques annonçant que "l’autorité des marchés financiers a créé un régime adapté au développement de fonds d’investissements respectueux des prescriptions de la Charia". Depuis fin 2008, les opérations de "Murabaha" bénéficient de la neutralité fiscale. La banque de France étudie en ce moment deux demandes d’autorisation pour des banques islamiques, dont les succursales "pourraient ouvrir dès 2010" selon Bercy.
Mais le droit de la fiducie français n’est pas aussi souple que le droit britannique. Certains montages financiers islamiques coûtent aujourd'hui plus chers à Paris qu’à Londres. En octobre le gouvernement a donc glissé dans un projet de loi sur les PME un article qui modifiait le code civil pour permettre l’émission en France de "Sukuk" (obligations islamiques). Problème : la députée Chantal Brunel s’est un peu emmêlée dans ses explications justifiant cet article qui n’avait pas grand-chose à voir avec les PME...
Le Conseil Constitutionnel a annulé cette disposition mi octobre et le gouvernement devra trouver une autre loi pour y glisser un article autorisant les "Sukuks" en France.
Aujourd'hui les principaux établissements bancaires français font tous de la finance islamique... à Londres ! Et en période de crise, ces banques ont d'autres préoccupations que rapatrier leur activité "charia compatible" à Paris. Début novembre Christine Lagarde réaffirmait que "la détermination de la France est intacte". La ministre devra certainement encore faire œuvre de pédagogie pour convaincre des élus encore réticents, au nom du principe de laïcité.
Caroline CaldierOeuvres liées
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