Les salariés de l'usine Smart consultés sur un retour provisoire aux 39h
La gêne est perceptible devant l'entrée de Smartville, le nom donné à ce site ultra moderne de 70 hectares, inauguré en grande pompe en 1997 par Jacques Chirac et Helmut Kohl. On y trouve une rue de la Créativité, un boulevard de la Mobilité ou encore une route de la Qualité. Et des salariés un peu désorientés par le plan de la direction : abandon provisoire des 35h en échange d'une augmentation de 120 euros par mois, de l'embauche d'une cinquantaine d'intérimaires et d'une garantie de maintien du site jusqu'en 2020. Nathalie est opératrice de montage, depuis l'ouverture. Elle a connu des jours meilleurs à l'usine : "Il y a une ambiance un peu lourde. On est un peu stressés. Sur les anciens, les avis sont très négatifs. Les jeunes embauchés ont un autre avis. Et peut-être qu'ils regretteront ".
"On est dans une mesure de l'ordre du préventif "
Smart, filiale de l'allemand Daimler, n'est pas à proprement parler en difficulté financière. Il ne s'agit pas d'un accord de maintien de l'emploi, comme prévu par la loi de juillet 2013 qui permet d'assouplir les 35h. Et le DRH, le directeur des ressources humaines, Philippe Steyer, ne le nie pas : "On est dans une mesure de l'ordre du préventif. C'est à dire qu'aujourd'hui, on est dans une situation au niveau du groupe qui est plutôt favorable. Mais il y a une demande du groupe Daimler d'optimisation, en termes de compétitivité de l'ensemble de ses sites automobiles au niveau mondial. Ce n'est pas une spécificité pour le site de Smart France et c'est dans ce cadre-là qu'on a fait cette proposition aux organisations syndicales. L'idée c'est de dire qu'on préfère prévenir que guérir et se préparer maintenant pour des phases qui pourraient être moins fastes que celles qu'on peut connaître aujourd'hui. C'est dans ce schéma-là qu'on s'inscrit aujourd'hui et pas dans une menace à l'emploi, à la délocalisation. Il faut agir maintenant pour se préparer au mieux pour l'avenir ".
"On aura des jours chômés qui sont prévus avant la fin de l'année "
Mais les salariés ne sont pas totalement convaincus par ces propos rassurants. A l'image de Jean-Marc. Il travaille au service Qualité depuis 10 ans. Cette volonté de revenir à la semaine de 39h le laisse très perplexe : "En fait, on n'a pas le sentiment d'avoir besoin des 39h. Notre charge de travail a été diminuée pour cette année par exemple. Donc en fait, on aura des jours chômés qui sont prévus avant la fin de l'année. Donc on ne voit pas pourquoi on passerait aux 39h si avec 35 on n'y arrive pas ".
"Si on n'est pas d'accord pour faire ce sacrifice, on serait peut-être délocalisé en Slovénie "
La direction de Smart est en fait soupçonnée de songer à un transfert au moins partiel de la production chez son partenaire français Renault, en Slovénie, à Novo Mesto. D'où sort déjà le modèle "For Four", qui utilise la même base que la Twingo. Manu, technicien adhérent à la CGT, en est convaincu : "L'entreprise dit que c'est une nécessité, nous met un peu la pression par rapport au site qu'on a en Slovénie en disant que le site coûte moins cher par rapport à nous et que si on n'est pas d'accord pour faire ce sacrifice, on serait peut-être délocalisé en Slovénie ".
Quoiqu'il en soit, ce vote tombe en plein débat national autour du rapport Combrexelle, qui recommande notamment l'assouplissement des 35h. Et ça, la direction de Smart s'en serait bien passé, reconnait le DRH Philippe Steyer : "Le projet qui est soumis à consultation, c'est un projet qui a été initié et soumis aux organisations syndicales il y a plus de trois mois. Donc de façon complètement indépendante de l'actualité de ces derniers jours ou de ces dernières semaines. On est un peu rattrapés par l'actualité malgré nous. Mais il est clair qu'on sent bien que la médiatisation du projet qu'on propose aujourd'hui à nos salariés va avoir un impact. Dans quel sens, c'est difficile à savoir, mais ça va avoir un impact ".
Résultat à 18h
Quelle que soit l'issue du vote, dont les résultats sont attendus vers 18h, direction et syndicats se retrouveront de toute façon dès la semaine prochaine. Faute d'accord avec des organisations représentant plus de 30% des voix des personnels, le plan ne sera jamais appliqué et les salariés continueront à travailler 35h par semaine.
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