Indemnités de licenciement plafonnées : "C'est la fin des prud'hommes et du droit du travail"
Florian Borg, président du Syndicat des avocats de France, explique comment il entend se battre contre cette mesure de la loi Macron, qui revient devant l'Assemblée jeudi.
La loi Macron revient une dernière fois devant les députés, jeudi 9 juillet. Le Premier ministre, Manuel Valls, n’a pas encore annoncé s’il engagerait sa responsabilité sur le texte, au titre de l’article 49-3 de la Constitution, comme il l'avait fait lors des deux premières lectures. S’il le fait, et en l’absence de dépôt dans les 24 heures d’une motion de censure, le texte sera considéré comme adopté vendredi après-midi.
Un amendement gouvernemental à cette loi prévoit le plafonnement des indemnités accordées par les prud'hommes pour les licenciements "dénués de cause réelle et sérieuse". Cette mesure est particulièrement contestée et a fait l'objet d'une pétition à l’initiative du Syndicat des avocats de France (SAF), signée par plusieurs syndicats (CGT, CFDT, FO, Solidaires, Unsa, CFE-CGC et Syndicat de la magistrature). Elle comptait, mardi 7 juillet, près de 20 000 signatures.
Florian Borg, président du SAF, explique à francetv info comment son syndicat entend se battre coûte que coûte contre cette disposition.
Francetv info : Que contestez-vous dans le principe du plafonnement des indemnités de licenciement ?
Florian Borg : La création de ces barèmes réduit presque à néant la possibilité d'indemnisation intégrale devant les prud'hommes au titre du préjudice subi. Avant, les dommages et intérêts étaient à l'appréciation du juge et devaient prendre en compte différents critères, tels que l'âge, la situation familiale, les qualifications… avec un plancher de six mois de salaire minimum pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté. Avec la loi Macron, les seuls critères retenus sont l'ancienneté et la taille de l'entreprise, et le plancher devient le plafond pour une majorité d'employés (deux à six mois de salaire maximum pour deux à dix ans d'ancienneté dans les entreprises de moins de 20 salariés). De quoi décourager les saisines de prud'hommes.
Ces planchers et ces plafonds seront-ils vraiment automatiques ?
Oui ! On retire totalement le pouvoir aux juges. Cette loi, c'est la fin des prud'hommes et du droit du travail. Le gouvernement affirme qu'elle a été conçue pour faciliter l'embauche dans les PME, dont les patrons craignaient trop les coûts de licenciement. Mais elle transforme avant tout le licenciement en variable d'ajustement de l'emploi. Dans le cas d'un licenciement pour incompatibilité d'humeur, par exemple, le préjudice moral ne sera plus pris en compte et évalué. Le barème automatique s'appliquera, que la personne ait trente ans d'ancienneté ou pas, qu'elle soit célibataire ou pas. Le salarié va se sentir totalement lésé.
Votre pétition a recueilli près de 20 000 signatures. Mais que comptez-vous faire au-delà ?
Le groupe des Républicains a prévu de saisir le Conseil constitutionnel après l'adoption définitive de la loi. Dans ce cadre, nous devrions produire un "mémoire" pour éclairer les juges. Si cette saisine n'aboutit pas, nous déposerons une question prioritaire de constitutionnalité et nous utiliserons la législation internationale sur le droit du travail. Je rappelle que nous sommes récemment parvenus à faire condamner l'Etat pour les "contrôles au faciès". Cette fois aussi, nous trouverons les éléments juridiques pour nous battre contre cette loi.
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