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La suprématie de la télévision menacée par Internet

Une étude eMarketer rapportée par Les Echos affirme que pour la première fois, la télévision est détrônée par internet en ce qui concerne le temps qui y est consacré. Outre le fait que l'analyse est moins évidente que cela, France Info s'interroge sur la tendance en France et les effets prévisibles sur les programmes.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Claude Prigent Maxppp)

La
télé moribonde ? Internet superstar ? C'est ce que l'étude eMerketers
voudrait nous faire croire. Selon les données comparées par l'institut,
Internet deviendrait le média sur lequel les Américains passent le plus de
temps, 5h09 (via les smartphones, les tablettes et les ordinateurs) contre 4h31
devant la télévision classique. Un changement évidemment très important car
dans les 50 dernières années, c'était la télé qui était le média numéro 1.

Une analyse à nuancer

Attention
cependant à nuancer les chiffres utilisés par eMerketers qui ne sont qu'une
estimation, contrairement à ceux habituellement utilisés de l'institut Nielsen. Selon sa dernière analyse, les
Américains passent en moyenne 4h39 par jour devant la télé, temps auquel il
faut ajouter 36 minutes de DVD pour correspondre aux données eMarketers. On est
donc loin d'un inversement des tendances si on en juge ces chiffres.

Reste
que le temps passé devant Internet est en constante augmentation. Pas étonnant
vu la mobilité de l'accès et la multiplication des usages. Avec la 4G, tout
cela devrait aller encore plus vite, donc être encore plus accessible. Les
équipements devraient se développer et les prix baisser.

Sans
compter que la tendance est au "multi-tasking", autrement dit, le multi-tâche,
l'exemple le plus évident étant le fait de regarder la télévision en surfant en
même temps sur internet par exemple pour commenter sur Twitter.

Est-ce
que la France suit la même tendance ?

Oui,
mais avec beaucoup de retard. En 2012, selon Médiamétrie, les Français ont
regardé la télévision en moyenne 3h50, 3 minutes de plus qu'en 2011
. 14% de
plus en 10 ans. Dans le même temps, certes la consommation de média numérique a
doublé, mais elle est encore loin d'atteindre celle de la télévision : 1h50
en 1998, 2h16 selon les dernières mesures de l'Insee.

Selon
Julien Rosanvallon, le directeur du département télé chez Médiamétrie, il n'y a
qu'une très petite minorité de Français qui consomment plus d'écran multimédia
que d'écran de télé, ne serait-ce que par le taux d'équipement : "La
quasi-totalité des Français possèdent un téléviseur, 75% un ordinateur, la
moitié un smartphone et un cinquième possèdent une tablette. Quelle que
soit le prisme par lequel on regarde, la télévision reste le 1er
écran"
 conclut Julien Rosanvallon.

Quel
effet sur les programmes ?

"Le
modèle n'a pas encore été trouvé en la matière
, répond Julien Riosanvallon. Les
chaînes testent des choses, il y a des opportunités à saisir.
" Comparée aux années sans Internet, la télé a quand même bien évolué, plus de rythme, plus de contenu, des liens avec les réseaux sociaux.

Aux Etats-Unis,
c'est dans la
fiction que l'effet se fait le plus sentir en ce moment avec l'arrivée de nouveaux acteurs grâce au Web. Netflix par exemple, site internet américain de vidéo à la demande, produit ses
propres séries (House of Cards sera diffusé en septembre sur Canal+)
saluées par la critique. Plus besoin de diffusion à la télé sur les chaînes
traditionnelles pour exister. Les revenus de Netflix dépassent désormais le
milliard de dollars et son action est celle qui a le plus progressé sur la côte
américaine : +134% depuis le début de l'année.

Netflix en est sûr, la vidéo en ligne via internet va remplacer la télé de
rendez-vous proposée en mode linéaire, les applications vont remplacer les chaînes
et les écrans vont proliférer.

Et c'est
vrai qu'aux Etats-Unis, la ligue de baseball propose de regarder ses matchs sur
son application, quant à la BBC, elle commence à développer des programmes pour
son "player" avant même de les montrer à l'antenne.

Des menaces et des alternatives

Un bouleversement
qui menace en revanche directement les opérateurs du câble : pourquoi
payer un abonnement à une chaîne thématique qui diffuse en continue alors qu'avec
les télé-connectées et les box des FAI, on peut accéder à des programmes à la
demande ? Regarder ce qu'on veut quand on veut ?

Quant
à l'alternative que  représentent les chaînes
thématiques lancées sur internet par Youtube
, elles ne remportent pour l'instant
en France pas beaucoup d'audience mais plusieurs producteurs importants s'y
sont quand même risqués, Capa, Endemol ou le AirProd de Nagui pour Taratata, tous
soucieux d'avoir un pied dans le net en cas de révolution.

Trois scénarios pour la TV face à Internet

Face
à cette accélération de la consommation d'Internet, Havas média a même élaboré trois
scénarios dans un livre blanc sur le sujet : soit la télé garde sa place
centrale dans le foyer avec des contenus enrichis sur le web, soit le
téléviseur devient un écran comme un autre pour accéder aux contenus internet, soit
la télé se dote d'applications et autres outils pour intégrer les plus d'Internet.

C'est là que la Social TV prend toute son ampleur. Un virage stratégique pris depuis
un an par les chaines historiques avec le lancement de plusieurs applications "double
écran" : Internet y accompagne le visionnage de ce qui se passe à la télé.
Des applications qui permettent de commenter, de jouer ou d'accéder à du
contenu supplémentaire (MyTF1.fr par exemple). Mais l'écran de référence reste
le petit car c'est là que la publicité est la plus lucrative. Pour la télé,
internet reste un moyen de capter les téléspectateurs, de recréer du lien entre
le programme et eux et d'éviter le zapping.

Quels que soient les chiffres, les courbes ou les données, tous
les acteurs de la télé ou d'internet conviennent d'une chose : c'est la
qualité de l'offre qui compte au final pour garder les yeux rivés sur l'écran.

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