Médias : il y a "une urgence démocratique" à sauvegarder le droit à l'information, estiment les Etats généraux de l'information qui rendent leurs préconisations

Lancés en octobre 2023, les États généraux de l'information présentent leurs conclusions jeudi. Ils listent 15 propositions, notamment pour lutter contre la désinformation.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Les États généraux de l'information présentent leurs préconisations dans un rapport de 352 pages. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

Les États généraux de l'information voulus par Emmanuel Macron rendent jeudi 12 septembre leurs propositions pour "protéger et développer le droit à l’information". Selon le rapport que franceinfo a pu consulter, il y a "une urgence démocratique" à sauvegarder ce droit à l'information.

Lancés en octobre 2023, ces États généraux ont travaillé pendant neuf mois en confrontant "une multiplicité de points de vue". Malgré des "divergences ou des nuances" dans les expressions, il ressort une "inquiétude générale profonde" des intervenants. "Il est urgent d’intervenir pour prévenir une dégradation de la qualité de l’information, celle-ci étant la condition d’un espace public préservé", écrivent les auteurs du rapport qui pointent "un risque d'effondrement de l'information".

Le rapport fait le constat que l’information, "récit du réel indépendant, vérifié", est aujourd'hui "marginalisé" et que les journalistes sont de plus en plus "paupérisés". Quant à l'espace public, il est "polarisé" par l'accélération des algorithmes sur les réseaux sociaux. De "nombreuses forces" œuvrent à "décrédibiliser" l'information par le biais de l'utilisation des réseaux comme arme de "désinformation ou de mésinformation". Les auteurs du rapport alertent également sur le déploiement de l'intelligence artificielle qui offre des "perspectives prometteuses" mais comportent aussi "des risques" pour la production et la réception de l’information. Enfin, selon le rapport, la privatisation et la captation de l’outil par un nombre "très restreint" de très grandes entreprises et leur modèle fermé "limitent le pluralisme et la liberté de choisir sa source".

15 propositions pour préserver l'espace public français

Face à ce "chaos informationnel" qui menace, "l’heure est à la sauvegarde du droit à l’information pour ceux qui la font, et au développement du droit à l’information pour ceux à qui elle est destinée", plaide le rapport. Pour répondre à ces inquiétudes, les États généraux proposent un ensemble de mesures qui constituent "une politique générale et ambitieuse de sauvegarde de l’espace public à l’heure des réseaux et de l'IA". Ils énoncent un plan d'action en 15 propositions pour "préserver l’espace public français et contribuer à la construction de l’espace public européen".

Les auteurs du rapport préconisent tout d'abord de faire de l’éducation à l’esprit critique et aux médias à l’école une priorité. Ils souhaitent renforcer dans les programmes scolaires la part des enseignements d’éducation à l’esprit critique et aux faits, et généraliser l’éducation aux médias et à l’information. Ils encouragent par exemple la création d’une webradio par collège. Face à la multiplication des désinformations, il faut selon eux mettre en place une sensibilisation à grande échelle à l’école, dans les universités, les entreprises, avec notamment des actions envers les décideurs, les journalistes et les fonctionnaires.

Généraliser les chartes déontologiques

Le rapport plaide aussi pour généraliser les chartes déontologiques au sein des médias d'information pour, notamment, restaurer la confiance avec les citoyens. Pour améliorer la gouvernance des médias, il propose de nommer, dans les groupes plurimédias, un administrateur indépendant au sein du conseil d’administration pour veiller à l’indépendance et à la prévention des conflits d’intérêts.

Sur cette indépendance des rédactions, le rapport souhaite que l'actionnaire d'un média soit tenu "d’informer la rédaction sur son intention de désigner un nouveau directeur de la rédaction, dans des délais permettant aux organisations représentatives de faire valoir leur point de vue". Cette proposition fait suite notamment à la grève au JDD à l'été 2023 contre l'arrivée comme directeur de Geoffroy Lejeune, marqué à l'extrême droite. Cela avait fait ressurgir la question d'une procédure d'agrément obligatoire par chaque rédaction.

Constatant qu'un "degré de concentration excessif nuit à l’expression de pluralité" de l'information, le rapport préconise encore d'assurer le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration. Il plaide également pour le renforcement de la protection du secret des sources des journalistes et pour légiférer contre les procédures bâillons qui visent à décourager les rédactions à enquêter sur les grands groupes industriels.

Trouver un financement pérenne pour l'audiovisuel public

Le rapport des États généraux de l'information s'attarde également sur le financement de l'audiovisuel public. Il souligne "la large adhésion" des Français au service public de l'audiovisuel, les "fortes performances" d'audience des antennes, "la variété des formats" et "le travail de fact-checking" des rédactions. La suppression en 2022 de la redevance "impose de trouver les conditions d’un financement pérenne et à hauteur de la contribution essentielle du service public", écrivent les auteurs.

Selon eux, le régime transitoire reposant sur l'affectation d'une fraction du produit de la TVA "ne garantit pas à lui seul une prévisibilité des ressources dans le temps". Ils y voient un "enjeu démocratique, pour protéger l’audiovisuel public des aléas politiques". Les États généraux plaident pour un mécanisme de "prélèvement sur recettes", déjà utilisé pour le financement de l’Union européenne et des collectivités locales, un dispositif qui apporte, selon le rapport, des garanties supplémentaires en matière de financement et d’indépendance du service public audiovisuel.

Au niveau européen, les États généraux de l'information sont enfin favorables à une reconnaissance européenne du droit à l’information et à l'instauration d'un pluralisme effectif des algorithmes. La lutte contre la désinformation à l’échelle européenne doit être consolidée et les responsabilités des grandes plateformes dans la lutte contre la désinformation et le cyberharcèlement doivent être rendues effectives.

Ces conclusions à destination des responsables politiques et des acteurs du secteur seront livrées jeudi dans la matinée au siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese), en présence notamment de citoyens ayant contribué à ces États généraux (EGI). Depuis leur lancement le 3 octobre 2023, plus de 4 000 personnes ont participé en ligne sur le site du Cese, 174 experts et personnalités des médias ont été auditionnés, 22 consultations en métropole et en outremer ont été organisées.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.