"Nous devrons licencier nos 6000 collaborateurs": les Suisses se prononcent sur le sort de leur redevance audiovisuelle
Les Suisses se prononcent dimanche 4 mars sur le sort de la redevance audiovisuelle. Si le oui l'emporte, télévision et radio publique perdront une part importante de leur financement.
Les Suisses se prononcent dimanche 4 mars par référendum sur la suppression de la redevance audiovisuelle, un vote qui pourrait entraîner la disparition de la seule radio-TV nationale, la Société suisse de radiodiffusion (SSR), qui diffuse en quatre langues. Tout est parti d'une discussion entre jeunes membres d'un parti libéral. Ils estiment que la redevance (390 euros/an) est injuste car payée par tous, que l’on possède une télé ou non. Sans compter, estime Nicolas Jutzet, responsable de la campagne pour le oui à la suppression, que l'État a une mainmise trop importante sur les médias publics. "On oblige le citoyen à payer pour une liste de médias que l'État décide, explique-t-il. On veut passer d'un système ou l'État prend le citoyen par la main et lui dit que ces médias-là sont bons pour lui, à un système où c'est le citoyen lui-même qui choisit les médias qu'il a envie de soutenir."
Si le oui l’emporte, la SSR en pâtira en premier lieu
Le débat aurait pu rester idéologique mais Nicolas et ses amis ont réussi à obtenir plus de 100 000 signatures nécessaires en Suisse pour organiser un referendum. La campagne est devenue "No billag" (billag désigne l'organisme qui récolte la redevance). Si le oui l’emporte, le principal groupe visé par la votation est la SSR, qui regroupe les chaînes de télé et de radio publique en Suisse. La redevance représente 75% de son budget. Pour Gilles Marchand, son directeur général, si le oui l'emporte, c'est carrément la mort de la SSR. "Cela veut dire que nous devons préparer le démantèlement et en quelques mois, l'audiovisuel suisse arrête de fonctionner, prévient-il. Nous devrons licencier nos 6 000 collaborateurs et fermer nos antennes. Les fréquences seront ensuite vendues aux enchères, ce qui est tout de même paradoxal."
Ils s’en trouvent, comme ces Suisses rencontrés sur un marché de Lausanne, qui refusent un tel scénario. "Vous allez devoir prendre un abonnement pour le sport, pour les films et pour autre chose, et puis cela va nous coûter beaucoup plus cher, estime ainsi Daisy. Je pense qu'on a besoin d'une télé d'État." "Si on compare avec des programmes comme TF1 en France, on a une offre qui est plus diversifiée que la téléréalité ou d'autres émissions pas super intéressantes", poursuit de son côté Nicolas. Les Suisses se font leur propre avis car les chaînes françaises sont diffusées ici.
Certains médias privés sont financés par la redevance
Il n’y a pas que les médias publics qui pourront être touchés par la suppression de la redevance. C’est en effet une particularité suisse : certains médias privés sont financés par la redevance. C'est notamment le cas des télés et radios régionales, car il n’existe pas, en Suisse, d’équivalent de France 3 ou France bleu. Aussi, si une chaîne privée accepte d'accomplir une mission de service public (par exemple en émettant en plusieurs langues), elle touche la redevance. À Canal 9, une télé du canton du Valais de 350 000 habitants dans les montagnes, la redevance représente 54 % du budget. Sans elle, impossible d'exister. "Il faudrait du financement uniquement privé, qui proviendrait que parties intéressées, par exemple économiques, explique Vincent Bornet, le directeur de Canal 9. Elles chercheraient à rentabiliser leur investissement et le canton du Valais est trop petit et trop modeste et pas assez dynamique économiquement pour apporter assez de publicité." Si la redevance disparaît, Canal 9 devra licencier ses 75 employés.
La SSR a un rôle essentiel dans le sport
Parmi les autres "victimes" potentielles d’une suppression de la redevance, le sport, qui a besoin de diffuseurs pour exister. Ce weekend, la station de Crans-Montana accueille une épreuve de coupe du monde de ski. Marius Robyre, l'organisateur, parle du rôle essentiel de la SSR : "La SSR présente des images de qualité, en Suisse et dans le monde entier, surtout dans les pays alpins, donc elle a une importance capitale, défend Marius Robyre. Si on n'a pas d'images, indirectement on n'a pas les partenaires qui suivent. Indirectement, les rentrées financières sont moindres. L'organisation d'une compétition comme celle-ci a un coût de 2,5 millions de francs suisses (2,1 millions d'euros). Donc il faudra arriver à trouver ces 2,5 millions ailleurs pour financer cette événement. Pour nous c'est donc fondamental et prioritaire que les télévisions soient présentes."
Pendant plusieurs mois, le "oui" à la suppression a devancé le non dans les sondages. Grâce à la mobilisation des acteurs du sport, des médias et d'autres secteurs, la tendance s'est inversée. Le "non" l'emporterait aujourd'hui à 60%.
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