Retrait ou maintien d'Eva Joly, deux scénarios à haut risque pour les écolos
Les doutes sur la candidature de l'ancienne juge, plombée dans les sondages, taraudent plusieurs ténors des Verts. Mais qu'elle persiste ou se désiste, les écologistes risquent d'y laisser des plumes.
Après Daniel Cohn-Bendit, Yves Cochet et quelques autres figures historiques des Verts, Noël Mamère a eu le malheur, mardi 13 mars, de dire à son tour tout haut ce que beaucoup, au sein d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), pensent tout bas. Sur la radio Vivre FM, le député-maire de Bègles (Gironde) s'est interrogé sur "l'intérêt" de maintenir la candidature à la présidentielle d'Eva Joly, dont il copréside pourtant la campagne avec la secrétaire nationale d'EELV, Cécile Duflot. En cause, une candidature qui recueillait 11% d'intentions de vote en mai 2011, et qui aujourd'hui n'en fédère plus que 2%, selon les sondages.
Se retirer de la course à l'Elysée plutôt que de maintenir la candidature d'Eva Joly serait-il cependant aussi avantageux que Noël Mamère le laisse entendre ? Rien n'est moins sûr. Voici trois arguments en faveur du retrait, et trois en faveur du maintien.
• Retirer la candidature, c'est affaiblir la place de l'écologie dans la campagne
Aujourd'hui, les arguments en faveur d'Eva Joly sont peu nombreux. Couacs en série, faible médiatisation... Finalement, seule la perspective d'avoir un temps de parole absolument égal à celui des autres candidats, à partir du 19 mars, semble véritablement peser dans la balance.
"Si on s'efface au profit de François Hollande, l'écologie s'effacera de la campagne", ne cesse de répéter son entourage. "Quelques jours après la triste commémoration du drame de Fukushima, une candidature écologiste à l'élection présidentielle est plus que jamais nécessaire", veut croire celle qui portait les couleurs des Verts en 2007, Dominique Voynet.
• Maintenir la candidature, c'est risquer d'affaibilir le partenariat avec le PS
Le risque principal - celui que redoute Noël Mamère -, c'est de perdre le statut de partenaire principal du Parti socialiste, au profit du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, désormais crédité de 10% d'intentions de vote au premier tour.
Si Eva Joly, elle, obtient 2% ou 3% des suffrages le 22 avril, comme les instituts de sondages l'indiquent aujourd'hui, au PS, "ils nous diront : 'avec un score pareil, qui représentez-vous ?' ", redoute Noël Mamère sur Rue89.
• Retirer la candidature, c'est mieux négocier des places au gouvernement
Se retirer avant le premier tour, ce serait donc sauver les meubles, et éviter le risque d'une deuxième humiliation consécutive au premier tour de la présidentielle (alors que Noël Mamère avait obtenu 5,25% en 2002, Dominique Voynet n'avait recueilli que 1,57% des voix en 2007).
Cela permettrait surtout - du moins les partisans d'un retrait de candidature l'espèrent-ils - de faciliter la négociation sur les portefeuilles ministériels, en cas de victoire de François Hollande. Numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé fait partie des noms les plus régulièrement cités, avec ceux du député François de Rugy, du député européen Pascal Canfin, et de Cécile Duflot.
• Maintenir la candidature, c'est s'exposer à une déconvenue aux législatives
En novembre dernier, le PS et EELV ont conclu un accord électoral, dans lequel 60 des 577 circonscriptions sont réservées à des candidats écologistes pour les législatives de juin. Un accord qui devrait permettre aux Verts de constituer un groupe parlementaire autonome avec 25 à 30 députés en cas de victoire de la gauche, et 15 députés en cas de défaite.
Mais si la candidature d'Eva Joly recueille 2 ou 3% au premier tour de la présidentielle, ce score risquerait de donner des idées à certains dissidents socialistes. "Les socialistes, nous sentant faibles, se livrent vis-à-vis de nous à un véritable chantage, témoigne déjà Alain Lipietz dans Le Monde. Ils acceptent de faire le ménage dans leurs rangs, de faire cesser des dissidences qu'ils ont contribué à faire mais, en échange, exigent que nous leur laissions deux autres circonscriptions du Val-de-Marne, dans lesquelles nous présentions des candidats !"
"Il y avait 60 circonscriptions réservées, dont 30 gagnables. Mais vu les candidatures dissidentes qui se profilent, (...) il pourrait ne rester que 15 députés écolos à l'arrivée. On se dirige vers un grand rendez-vous raté", prévient d'ores et déjà le sociologue Erwan Lecœur, auteur de Des écologistes en politique (éd. Stock, 2011), sur Rue89. Et Le Monde de préciser qu'"à EELV, cette possibilité (...) s'appelle 'indexer l'accord sur le résultat des présidentielles' ".
• Retirer la candidature, c'est risquer de laisser le champ libre à Corinne Lepage
En interne, certains considèrent que le retrait d'Eva Joly est aussi conditionné à la candidature ou non de Corinne Lepage. Si la présidente du modeste mouvement écologiste Cap 21 parvient à obtenir ses 500 parrainages d'élus d'ici à vendredi, et donc à se présenter, hors de question pour EELV de se retirer de la course.
Interrogée sur France 2 mercredi, l'ancienne ministre de l'Environnement (1995-1997) a accusé les Verts de tout faire pour qu'elle ne parvienne pas à récolter ses signatures : "Ils ne veulent pas que je sois dans la campagne parce qu'ils sont convaincus que je ferais mieux qu'Eva Joly." "Si c'est vrai, cette histoire de blocage, c'est minable. Quelle catastrophe pour l'écologie, d'être représentée par ces gens qui prétendent porter un idéal et qui, en réalité, ne pensent qu'aux postes ministériels qu'ils se sont déjà octroyés."
• Maintenir la candidature, c'est dépenser davantage d'argent
Autre élément - et pas des moindres - jouant en défaveur d'Eva Joly : les finances. Car si elle obtient moins de 5% au soir du premier tour, seuls 800 000 euros lui seront remboursés par l'Etat. Trésorier de la campagne, l'élu parisien Yves Contassot botte en touche, se disant "absolument persuadé qu'Eva Joly obtiendra plus de 5%".
A ce jour, quelque 800 000 euros ont déjà été dépensés, et l'entourage de la candidate table sur une campagne à deux millions d'euros (loin des quatre millions envisagés il y a quelques mois). Si le score des 5% n'est pas atteint, il resterait donc 1,2 million d'euros à la charge du parti, alors que seuls 250 000 euros de dons ont pour l'instant été récoltés. Une somme rondelette pour un parti dont "la situation de la trésorerie est très tendue", selon ses propres mots révélés par Marianne en novembre.
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