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"On ne veut pas travailler plus longtemps pour gagner moins !" : à Paris, des milliers de manifestants défilent contre la réforme des retraites (mais pas que)

Plusieurs syndicats avaient appelé à défiler de la place de la République à Nation, mardi. Quatre manifestants ont expliqué à franceinfo leurs motivations.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
A l'appel de la CGT, Solidaires, l'Unsa et la FSU, des manifestants défilent à Paris, le 24 septembre 2019, contre la réforme des retraites.  (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY/ AFP)

Le trajet était classique, de la place de la République (sous la pluie) à celle de la Nation (où le soleil a enfin percé). A l'appel de la CGT, à laquelle se sont joints Solidaires, la FSU et l'Unsa-Ferroviaire, 12 300 manifestants ont défilé, selon un comptage réalisé par le cabinet Occurrence, mardi 24 septembre après-midi à Paris. Ils dénonçaient la réforme des retraites qui va fusionner 42 régimes en un seul, à partir de 2025. D'autres manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, selon la police, à Bordeaux, Nice, Lyon et d'autres villes en régions. La mobilisation a rassemblé "150 000 manifestants dans toute la France", selon le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

Quatre manifestants parisiens ont expliqué à franceinfo leurs motivations, plus complexes que la seule question des retraites.

Cécile, 45 ans : "Il y a une véritable dégradation du service rendu à la SNCF"

Agente commerciale à la gare Saint-Lazare, Cécile, 45 ans, est venue, dit-elle, pour "marquer le coup sur les retraites". Cette élue SUD-Rail au Comité social et économique de la SNCF dénonce une réforme qui va mettre à mal le régime spécial des cheminots, alors qu'on "nous demande énormément d'efforts, et même de plus en plus".

A cette contestation s'ajoute, estime-t-elle, un vrai malaise, avec "une véritable dégradation du service rendu aux voyageurs". "L'entreprise nous met la pression pour qu'on vende plus de cartes commerciales, plus de première classe, ou encore des changements de gamme tarifaire qui sont, soi-disant, plus avantageux alors que ce n'est pas vrai en réalité." Elle déplore enfin qu'il y "ait de moins en moins d'humain dans l'entreprise. Gare Saint-Lazare, on va encore réduire les guichets pour mettre en place des machines et des tablettes, et on devra faire l'interface. Ce n'est pas ce que demandent les voyageurs !" 

Antoine, 29 ans : "Un prof certifié perdrait jusqu'à 800 euros de pension avec la réforme"

Sur les retraites, Antoine, 29 ans, prof de sciences économiques et sociales dans un lycée de Versailles (Yvelines), a sorti sa calculette : "Cette réforme des retraites touche tous les salariés, mais nous, les enseignants, encore plus que les autres. Un certifié [titulaire du Capes] perdrait entre 500 et 800 euros mensuels de pension avec le système à points, selon les simulations du syndicat FSU, auquel j'appartiens." Pour lui, "ce système par points se traduira par une baisse générale des retraites pour tous". 

D'autres motifs de mécontentement viennent très vite dans la pelote. Etudiant, il a subi, explique-t-il, "la dégradation de l'université". Aujourd'hui prof, il "constate la dégradation des conditions de travail à l'Education nationale, avec la réforme du lycée, où on ne sait même pas comment mettre en place les conseils de classe alors qu'il n'y a plus de classes [avec le jeu des différentes options]". Le tout ne l'incite pas à l'optimisme. "On ne va pas dans le sens de l'amélioration des conditions de vie", estime-t-il.

Antoine, 29 ans, manifestant contre les retraites mardi 24 septembre à Paris. (ANNE BRIGAUDEAU / FRANCEINFO)

Reda, 52 ans : à la RATP, "on ne veut pas travailler plus pour gagner moins"

"On ne veut pas s'éparpiller. On est venus contre le projet de retraite à points", déclare Reda, 52 ans, qui fait partie du syndicat autonome de la RATP. Pour lui, clairement, les termes du contrat ne sont pas respectés : "On ne veut pas travailler plus, c'est-à-dire plus longtemps, pour gagner moins." 

Reda devrait théoriquement attendre jusqu'à 59 ans pour toucher sa retraite à taux plein. Pas sûr qu'il attende jusque-là : "Moi, mes droits sont ouverts. Je ne serai pas touché si je pars à la retraite avant 2025 [début de l’entrée en vigueur de la réforme]. C’est une date butoir pour moi comme pour beaucoup de salariés", dit-il encore. Mais il s'inquiète pour ses enfants : "S’ils font des études, ils entreront tard sur le marché du travail. Et ils partiront à quel âge à la retraite ? Plus de 65 ans ?"

Reda Benrerbia, 52 ans, agent d'exploitation à la RATP, membre du syndicat autonome de la RATP, manifestant à paris contre la réforme des retraites le 24 septembre.  (ANNE BRIGAUDEAU / FRANCEINFO)

Laure, 19 ans : "On va devoir travailler jusqu'à 70 ans, si on trouve du boulot"

En compagnie de Florian, 20 ans, Laure, 19 ans, dit "accompagner sa mère" (du syndicat Filpac-CGT) à toutes les manifs. Au lycée, elle s'est beaucoup cherchée dans diverses voies professionnelles : "J'ai fait des études de photo, d'horticulture, et j'ai même été dans un lycée pour élèves déscolarisés." Elle est désormais "à la recherche d'un emploi" après avoir fait un "service civique dans le social", qu'elle a beaucoup apprécié. Son rêve est d'ailleurs de "faire du secrétariat d’accueil dans un centre social".

Malgré son sourire, elle se dit plutôt angoissée par son futur "dans un monde où il n'y a rien qui va". Et la réforme des retraites ? "On va devoir travailler jusqu'à 70 ans, si on trouve du boulot", lâche-t-elle. Laure déplore aussi qu'avec la dématérialisation croissante des tâches, "on oublie le côté humain". Un aspect qui lui tient à cœur. A une manifestante plus âgée, qui se repose sur un banc, elle lance : "Patty, tu veux que je porte ton sac ? Non ? T'es sûre que tu ne veux pas que je porte ton sac ?"

Florian, 20 ans, et Laure, 19 ans, défilent contre la réforme du système des retraites mardi 24 septembre à Paris. (ANNE BRIGAUDEAU / FRANCEINFO)

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