Réforme des retraites : pourquoi les éboueurs sont-ils en grève ?
Depuis plusieurs semaines, les poubelles s'entassent à Paris et à Marseille. Les éboueurs craignent notamment que le futur système de retraite ne diminue leurs pensions.
Poubelles qui débordent, détritus et cartons entassés sur les trottoirs, odeurs nauséabondes… Les conséquences de la grève des éboueurs et agents chargés du traitement des déchets sont devenues visibles début février à Paris et Marseille, malgré les réquisitions et la mise en place d'un service minimum. Les trois usines d'incinération de l'agglomération parisienne sont en grève depuis le 23 janvier. A Marseille, 3 000 tonnes de déchets se sont aussi accumulées dans les rues, selon les services de la métropole. Dans cette ville, les agents ont suspendu leur grève jeudi soir.
Les éboueurs et le personnel des incinérateurs craignent les effets de la réforme des retraites. Derrière cette mobilisation, c'est aussi le mal-être d'une profession indispensable, mais difficile et mal rémunérée qui veut se faire entendre. Franceinfo vous explique les causes de cette grève.
La pénibilité de leur métier ne sera plus prise en compte
Le projet de réforme des retraites inquiète particulièrement les agents territoriaux de la fonction publique que sont les éboueurs et salariés d'incinérateurs en raison de la suppression de la "catégorie active". Cette catégorie, distincte de la "catégorie sédentaire", regroupe les emplois publics qui présentent un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles justifiant un départ anticipé à la retraite. En l'occurrence, cet âge de départ est actuellement fixé à 57 ans pour les éboueurs.
Avec la suppression de ces catégories actives, un éboueur pourrait rester jusqu'à 64 ans derrière la benne. En effet, ces catégories ne concerneront plus que les emplois particulièrement dangereux comme les policiers, les gendarmes ou les gardiens de prison. La suppression de ce système est d'autant moins acceptable pour la profession qu'à l'instar des égoutiers, dont l'espérance de vie est réduite de dix-sept ans par rapport à la moyenne nationale, les éboueurs ont une espérance de vie réduite de sept ans.
"J'entends les responsables politiques se plaindre des odeurs et de la saleté en ville, mais qu'ils viennent passer une journée dans un centre d'incinération ! Qu'ils se rendent compte des conditions de travail et de la dureté du métier. Tant qu'on générera des déchets, il faudra bien trouver des solutions de traitement", explique Julien Lambert de la CGT Mines-Energie, pour qui ces revendications doivent s'étendre "à toutes les chaînes de salariés qui travaillent dans des métiers pénibles".
Pour remplacer ces catégories actives, le gouvernement envisage l'ouverture d'un compte professionnel de prévention (C2P). Une solution qui ne satisfait pas les professionnels : le C2P ne permet un départ anticipé qu'à partir de 60 ans.
Ils demandent des hausses de salaire
A Angoulême (Charente), cette semaine, les éboueurs ont réclamé une augmentation de salaire sous forme de prime, pour compenser la pénibilité de leur travail, les risques, et leurs horaires de nuit. "Nos salaires sont ceux d'il y a dix ans alors que le coût de la vie a augmenté de 300 ou 400%. Pendant ce temps, nos salaires n'ont pas bougé", dénonce l'un d'eux à France 3 Nouvelle Aquitaine. "Je gagne 1 500 euros en moyenne par mois, mais je ne fais que des heures de nuit. Dans le privé, je pense que je pourrais gagner largement plus", explique un autre.
A Marseille, les grévistes protestent également contre de fortes disparités de salaire en fonction du territoire où l'on ramasse les poubelles. Des écarts allant parfois jusqu'à 500 euros. "Quand vous travaillez à Marseille le dimanche, la journée est rémunérée 74 centimes d'euro de plus qu'en semaine. Et le travail de nuit n'est pas plus payé", assure Véronique Dolot, de la CGT Métropole Aix-Marseille-Provence.
Ils s'inquiètent pour leurs futures pensions
Par ailleurs, pour ces fonctionnaires de catégorie C, la pension moyenne, une fois venu l'âge de la retraite à taux plein, se situe vers 1 300 euros par mois, explique Véronique Dolot. Or, dans le projet de réforme des retraites, les pensions ne sont plus calculées sur la fin de carrière mais sur son ensemble. "D'après les projections qu'on a sur les effets de la réforme, les agents perdent 300 euros par mois. Et, de 1 000 euros par mois les premières années, on va très vite se retrouver en dessous. Cette grève, c'est simplement une forme d'investissement sur l'avenir", assène la syndicaliste CGT.
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