Réforme des retraites : quatre questions sur la création de l'"assurance vieillesse des aidants"
En 2021, un Français sur six s'occupait d'un proche malade, âgé ou handicapé, selon une étude publiée jeudi 2 février par la Drees. Particulièrement exposés au risque d'isolement et d'épuisement, ces 9,3 millions d'aidants familiaux mettent souvent leur vie professionnelle entre parenthèses. Pour qu'ils ne soient pas lésés au moment de la retraite, l'exécutif souhaite renforcer leurs droits. Le gouvernement veut créer une "assurance vieillesse des aidants", à destination d'un public élargi. Une mesure intégrée au projet de loi de réforme des retraites, qui sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de lundi 6 février. Franceinfo décrypte le dispositif actuel et le changement proposé par l'exécutif.
Comment fonctionne le système de retraites actuel pour les aidants ?
En France, les aidants sont affiliés au régime général de retraite. À l'heure actuelle, 60 000 aidants bénéficient du dispositif "assurance vieillesse du parent au foyer" (AVPF), selon le gouvernement. Pendant la période d'interruption d'activité, la Caisse des allocations familiales (CAF) se fait le relais de l'aidant en cotisant à sa place et valide ainsi les trimestres qui compteront pour sa retraite.
Depuis une loi de 2014, l'aidant peut récupérer jusqu'à huit trimestres majorés, s'il a travaillé à temps partiel ou cessé complètement son activité pendant une période de trente mois et si le taux d'incapacité du proche aidé est supérieur à 80%. Pour ce qui est de l'âge de départ à la retraite, une mesure dérogatoire est prévue : l'aidant peut bénéficier d'une retraite à taux plein dès 65 ans.
Que changerait le nouveau dispositif ?
Le gouvernement veut créer un nouveau dispositif, baptisé "assurance vieillesse des aidants" (AVA). Celle-ci devrait profiter à 40 000 nouveaux bénéficiaires, en plus des 60 000 actuels. Seront dorénavant concernés les aidants "ne cohabitant pas ou n'ayant pas de lien familial" avec la personne aidée. Un autre assouplissement est prévu : le taux d'incapacité de la personne aidée ouvrant les droits à la majoration ne sera plus fixé à un minimum de 80%. Pour l'instant, le projet de loi ne mentionne pas le futur seuil d'incapacité requis. Les trimestres majorés compteront pour le dispositif des "carrières longues", qui permettent de partir plus tôt lorsqu'on a commencé à cotiser jeune.
Pourquoi les associations d'aidants restent sur leur faim ?
Le Collectif inter-associatif des aidants familiaux (CIAAF) est satisfait que l'exécutif reconnaisse l'impact du rôle d'aidant sur sa carrière, mais déplore un projet insuffisant. "C'est une réécriture du dispositif existant, les droits sont identiques, on l'a juste élargi à de nouveaux aidants", regrette Céline Bouillot, porte-parole du CIAAF, à franceinfo. Selon elle, le projet de loi présenté par le gouvernement concernant les aidants est "très orienté handicap" et "ne prend pas en compte la situation de personnes malades ou âgées". L'affiliation à l'AVPF est par ailleurs réservée aux personnes dont le handicap est reconnu avant l'âge de soixante ans, relève Bénédicte Kail, également porte-parole du collectif.
Même pour les aidants dont la situation correspond aux critères, il existe de grands écarts dans l'accès aux droits en fonction de l'âge de la personne aidée, pointe le CIAAF. Pour un enfant handicapé de moins de 20 ans, dont le taux d'incapacité est supérieur à 80%, les deux parents bénéficient de la majoration de la durée d'assurance. Nul besoin de cesser ou de réduire leur activité, ni de justifier d'une période de trente mois consécutifs en tant qu'aidant pour valider leur trimestre. Il suffit que l'enfant soit bénéficiaire de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).
Mais si le proche aidant s'occupe d'un adulte handicapé, au taux d'incapacité équivalent, les critères sont plus stricts. "Les dispositifs sont toujours plus avantageux envers les enfants, c'est un héritage de notre politique nataliste", analyse Bénédicte Kail. Un seul membre de la famille peut bénéficier de la majoration des trimestres, et l'aidant doit cesser totalement de travailler pendant une période de trente mois, ininterrompue, pour toucher les trimestres majorés. "Et le plus souvent, c'est madame qui arrête de travailler, car monsieur a un plus gros salaire", fustige Céline Bouillot.
Les associations d'aidants regrettent également l'absence de rétroactivité de cette réforme. Elle "ne concernera que les générations futures, donc le plein effet se verra dans 30 ans ou plus" et n'empêchera pas les aidants de devoir travailler jusqu'à 64 ans comme tout le monde, déplore auprès de l'AFP Marion Aubry, vice-présidente de l'association TouPi, qui défend l'inclusion des personnes handicapées.
Que proposent-elles pour améliorer la réforme ?
Le CIAAF préconise "d'aller plus loin" en légiférant en faveur d'une affiliation de plusieurs aidants à l'AVA. Une mesure qui pourrait concerner deux membres du même couple, mais aussi "un frère et une sœur, qui accompagnent un troisième frère en situation de handicap par exemple", illustre Céline Bouillot. Le collectif demande aussi l'extension de l'affiliation à l'AVA à tous les parents d'un enfant en situation de handicap, dès lors qu'il est éligible à l'allocation AEEH de base.
Autre demande formulée par le CIAAF : que le nombre de trimestres majorés passe à seize pour tous les aidants. Certains aidants ne rentrent dans aucune case et ne bénéficient d'aucune aide. "Un aidant dont le parent est malade du cancer ne bénéficie ni d'un congé de proche aidant, ni de droits à la retraite. Il n'y a pas de solidarité nationale à ce niveau-là", insiste le CIAAF. Contre le problème du non-recours aux droits, le collectif appelle le gouvernement à renforcer l'accès à l'information pour tous les aidants, "dès les premiers courriers". "Sans les aidants, le système de santé s'effondrerait", souligne le CIAAF. Selon un rapport du ministère de la Santé (PDF) datant de 2019, le travail informel des 3,9 millions de proches aidants de personnes âgées représentait en 2014 entre 7 et 18 milliards d'euros.
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