Retraites : peut-on cotiser plus longtemps sans toucher à l'âge de départ ?
La première étape des discussions sur la future réforme s'est déroulée lundi. Parmi les pistes privilégiées, un allongement de la durée de cotisation.
A l'époque, le PS avait défilé contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy. A lui désormais de se pencher sur l'ouvrage, cent fois remis sur le métier. Le calendrier est chargé. Il a débuté lundi 13 mai, par la rencontre entre le Premier ministre, les syndicats et le patronat, à Matignon. Avec en ligne de mire, la conférence sociale des 20 et 21 juin, qui doit mettre sur les rails la réforme.
Il y a urgence. "Le besoin de financement du système de retraite en 2020 représenterait (...) environ 20 milliards d’euros", évalue le Conseil d'orientation des retraites (COR), dans un document publié en mars (pdf). Pour répondre à ce défi, plusieurs pistes sont à l'étude. Dont, selon les informations d'Europe 1, la durée de cotisation. Elle pourrait être allongée à 44 annuités d'ici à 2035, contre 41 annuités et demie actuellement. Le COR estime que cette solution permettrait au système de retraite français de connaître un "léger excédent" à l'horizon 2060.
Comment fonctionne le système des annuités ?
Quelle durée ? Pour calculer votre retraite, trois éléments entrent en compte : le salaire, un taux annuel et la durée de cotisation. Pour obtenir une retraite à taux plein (50% du salaire), les générations nées après 1955 doivent avoir cotisé 166 trimestres à la Sécurité sociale (et parfois, à des régimes obligatoires), soit 41,5 ans. Cette durée a été fixée par décret, en août 2011, lors de la présidence de Nicolas Sarkozy.
Et les jobs d'été ? Les périodes d'inactivité professionnelle ? Pour valider un trimestre, il faut avoir cotisé sur un revenu supérieur à 200 heures au smic horaire, soit 1 800 euros nets. Un étudiant qui travaille un mois et demi au salaire minimum débloque donc un trimestre, comme l'a calculé Capital.fr. Les congés d'arrêt maladie et parentaux, le chômage indemnisé, et le service militaire permettent d'obtenir des trimestres. Pour vous aider à évaluer vos droits, plusieurs simulateurs existent en ligne, dont celui-ci, réalisé en partenariat avec les services de l'Etat.
Et s'il manque des trimestres ? Une décote est appliquée et vous n'obtiendrez pas le taux plein. Si vous êtes né après 1955, que vous partez en retraite au 1er juin et que vous avez collecté 163 trimestres au lieu de 166, votre pension sera par exemple diminuée de 3%. La pénalité par trimestre manquant augmente progressivement ces dernières années, comme le détaille le site dédié du ministère de l'Economie et des Finances. A nombre égal de trimestres, vous perdrez 3,375% en 2014 et 3,75% en 2015.
Qu'est-ce que l'âge légal de départ à la retraite ?
Une fois atteint, mission accomplie ? Pas forcément. Alors que la durée de cotisation fixe le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension à taux plein, l'âge légal indique simplement la date à partir de laquelle vous avez le droit de partir, avec ou sans vos 166 trimestres. En 2010, près de 9% des assurés du régime général sont partis en retraite à l'âge légal sans avoir effectué tous leurs trimestres, selon la Sécurité sociale. Ils ne toucheront qu'une partie de la pension qu'ils pouvaient espérer.
Actuellement, quel est l'âge légal ? La réforme des retraites de Nicolas Sarkozy a repoussé l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Mais cette mesure entre en vigueur progressivement, à raison de quatre mois supplémentaires par an. L'âge de départ est donc actuellement de 60 ans et 9 mois. Et à ce rythme, la mesure sera pleinement effective en 2017. Il existe des exceptions, pour certaines professions dites "catégories d'active" (infirmiers, militaires, policiers...), qui peuvent partir à 57 ans. Enfin, il est possible d'obtenir une pension de retraite à taux plein à 67 ans, quel que soit le nombre de trimestres cotisés.
Un nouveau report est-il d'actualité ? C'est peu probable, tant le sujet est sensible. "Nous ne toucherons pas à l'âge légal", a lancé Jean-Marc Ayrault, en avril, dans le Journal du dimanche. En juillet 2012, déjà, un décret a autorisé les travailleurs à partir à la retraite à 60 ans, à condition d'avoir commencé à travailler avant 20 ans et d'avoir le nombre requis de trimestres. Pas de report, donc, ni même d'accélération de cette mesure. Lorsque le député PS Jean-Marie Le Guen a proposé dans Le Figaro (abonnés), en mars, d'appliquer la retraite à 62 ans dès 2015, le gouvernement a répondu par un silence radio.
Qui va continuer à toucher toute sa retraite ?
Quelles sont les pistes de travail ? Pour le moment, les discussions débutent à peine entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Mais en attendant, il est possible de se faire une idée en se plongeant dans les projections du COR (pdf, p.8), qui a imaginé une hausse progressive de la durée de cotisation, jusqu'au seuil de 44,75 années. Selon ses calculs, cela aurait pour effet de décaler l'âge moyen de la retraite de 2,5 mois pour les Français nés en 1970, 3,5 pour ceux nés en 1980 et 7 pour ceux de 1990. C'est-à-dire à 65 ans. Beaucoup de Français risquent de jeter l'éponge avant d'obtenir tous leurs droits, et de se retrouver avec une pension décotée. Avec le risque d'une précarité accrue.
L'âge légal, de plus en plus virtuel ? Il faut encore tenir compte de l'entrée dans la vie active, toujours plus tardive au fil du temps, car les études ont tendance à s'allonger. Ou des carrières à trous, plus fréquentes qu'autrefois. Avec une durée de cotisation de 44,75 ans, l'âge légal de départ à la retraite n'aurait plus vraiment de sens. Un Français né en 1990, qui entre dans la vie active en 2015, à l'âge de 25 ans, devrait alors partir à 69 ans pour bénéficier du taux plein. Devrait, car même sans tous ses trimestres, il pourrait partir à 67 ans avec une pension à taux plein. A moins que la loi n'évolue.
Allonger la durée de cotisations, des effets rapides ? Pas vraiment. Cette option a un "effet plus faible dans l’immédiat mais plus fort à long terme" qu'un report de l'âge légal, estime Arnauld d'Yvoire, secrétaire général de l'Observatoire des retraites. Selon les calculs du COR, il faudrait attendre 2020 pour que la mesure permette de réduire le déficit de la Sécurité sociale.
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