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Facebook, applis, des outils pour frauder dans les transports

Un simple coup d'œil sur son smartphone et le fait de ne pas avoir payé de ticket pour prendre le tram n'est plus une inquiétude. Les pages Facebook et les applications pour prévenir les usagers qu'un contrôleur est à tel ou tel arrêt sont de plus en plus nombreuses. Pratique douteuse ou liberté d'expression ? Petit tour d'horizon.
Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Scruter le prochain arrêt de
tram pour anticiper la montée d'un contrôleur dans l'angoisse d'une amende
parce qu'on n'a pas payé son ticket ? C'était avant. Maintenant il y a
Facebook et les smartphones. Les usagers des transports en commun
communiquent entre eux pour ne pas se faire piéger. Dès qu'un "fraudeur"
voit un contrôleur, il poste un message sur Facebook ou sur une application et
les abonnés sont prévenus. 

Facebook et ses "infos
contrôleurs"

Elles portent toutes le même
nom : "Info contrôleurs" suivi du nom de la ville. Montpellier, Dijon, Nancy,
Grenoble, Valenciennes, Strasbourg... certaines avec peu de succès (19 "j'aime"
pour Le Havre), d'autres avec beaucoup de pouces levés : la page "Info
contrôleurs Montpellier"
 comptabilise pour l'instant près
de 22.000 "j'aime".

"Dès que je vois [sur
le smartphone] que les contrôleurs sont à proximité de moi, je descends à l'arrêt
juste avant et je marche jusqu'au prochain pour les éviter" (un utilisateur)

Ces pages sont toutes faites
sur le même moule. Les administrateurs donnent quelques conseils sur la colonne
de gauche et les récentes contributions des internautes sur la droite.

Cette fonction "où sont les
contrôleurs ?", Gabriel, étudiant à Montpellier, l'utilise depuis la
rentrée dernière. Interrogé par France Bleu Hérault , le regard sur son smartphone, il analyse : "Toutes les deux minutes il y a des gens qui postent, surtout à proximité
des facs. Dès que je vois que les contrôleurs
sont à proximité de moi, je descends à l'arrêt juste avant et je marche jusqu'au
prochain pour les éviter
".

Cette technique lui a permis d'économiser 240 euros. Le prix d'un abonnement annuel mais aussi "le quart" de son budget
d'étudiant selon lui.

Jusqu'à 20% de fraudeurs

Dans le Rhône, le syndicat
mixte en charge des transports en commun, Sytral, a chiffré le coût de la fraude à plus de 10
millions d'euros par an. Elle concerne 10 % des utilisateurs. Le chiffre est comparable dans le réseau de transports dijonnais.

A Nancy, un sondage BVA
réalisé par la communauté urbaine en novembre dernier, atteste qu'un voyageur
sur cinq ne valide pas son ticket. 

Dernier exemple, à
Montpellier, le réseau de transport de l'agglomération, TAM, estime qu'il y a chaque jour,
20.000 fraudeurs.

Au nom de la "liberté d'expression"

Ces pages sont-elles une incitation à la
fraude ? Pour les administrateurs, bien sûr que non. Il s'agit d'outils "d'information ".
Comme pour les sites qui annoncent les radars ou qui donnent les plaques d'immatriculation
des voitures radars
, tout est légal.

Les régies
qui s'occupent de réseaux de transports ne peuvent pas faire grand-chose. Certains
en appellent alors, "au comportement citoyen des gens qui créent ces
pages
". C'est le cas de Gilles Fargier, directeur général de Divia, à Dijon. Et
si l'invocation de la responsabilité de chacun ne suffit pas, Gilles Fargier
prévient : "On peut imaginer qu'il y ait des augmentations tarifaires
nécessaires dues à cette incitation à la fraude si elle devait se poursuivre
". 

Phénomène marginal ?

Dans les réseaux de
transports urbains de grandes métropoles, on évite de parler de ces pages
et applis. Certains responsables évoquent un phénomène "en perte de
vitesse
", qu'ils ne veulent surtout pas "crédibiliser ".

Le terme de "marginal "
revient également. Dans une interview accordée à Midi-libre en janvier dernier,
le directeur général du réseau de transport urbain de Montpellier, Jean-Luc
Frizot, avait expliqué : "On sait, par les études que nous avons
faites, que c'est un phénomène marginal. De manière pragmatique, je serai
tenté de dire qu'au moins, quand ils voient nos contrôleurs,
ils descendent du tramway et ne circulent pas en
fraude
".

A Grenoble, les responsables du réseau de transports de l'agglomération, la
Semitag, ont observé le développement
de pages similaires dans les autres villes et se sont fait une idée précise, sans s'affoler. "On
constate qu'il y a un engouement au début ",
explique Yannick Belle, le
président de la Semitag. Cependant il observe "qu'au fil des mois, étant donné qu'il
y a pas mal de fausses informations, ça s'émousse un petit peu
". 

Des applis aussi

Dans la poche des fraudeurs,
il peut également y avoir des applications spécialisées. Infotracking ou encore Un
ticket
.

Un ticket a été crée par deux
Lillois, qui restent discrets, en 2011. Selon eux, l'application n'est pas une incitation à
éviter les contrôleurs. Ni une incitation à ne pas payer. D'ailleurs
un petit message de rappel de bonne conduite apparaît au moment du
téléchargement.

Hypocrisie ? Dans la
section "à propos" de l'appli, les créateurs rappellent en lettres rouges qu'il est "interdit de circuler sans titre de transport valable ". Ils expliquent ensuite comment contribuer à tout moment :
"Signaler un contrôle déjà en cours est utile, cela améliorera la qualité
de l'information
".

Les réseaux de transports n'ont pas chiffré
l'impact de cette application. Elle existe pour Marseille, Paris, Lyon, Lille
et Toulouse. On peut penser qu'elle a un intérêt limité à Paris. Seules
les stations de métros et de RER sont accessibles aux informateurs-fraudeurs.
Et dans le métro, la connexion est loin d'être bonne.

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