"C'est une image de chaos, d'apocalypse" : un an après le début du mouvement des "gilets jaunes", un CRS revient sur les premières heures du mouvement
Avec sa compagnie de CRS, Régis Debord a d'abord été envoyé à Calais, puis sur des mobilisations parisiennes.
CRS depuis vingt ans, Régis Debord n'avait jamais connu un tel niveau de violence sur une si longue période. Il y a un an, sa compagnie de Saran (Loiret) est envoyée à Calais. Lors du premier samedi de mobilisation des "gilets jaunes", l'ambiance est bon enfant, assure ce brigadier-chef. Mais très vite, dès la semaine suivante, de violents affrontements éclatent, en soirée, avec des manifestants calaisiens. "C'est un peu une image de chaos, d'apocalypse parce que c'est de nuit, il y a du brouillard, du gaz lacrymogène, du cocktail Molotov, des barricades enflammées..."
La grosse image, c'est le collègue qui tombe à côté de vous.
Régis Debord, CRSà franceinfo
"On voit que sa visière était explosée donc on se doute bien que c'est assez grave, il a le visage en sang. On se dit qu'on aurait pu perdre la vie, ça fait un peu apocalyptique", se souvient-il. Régis Debord est ensuite envoyé sur deux gros samedis de mobilisation à Paris, en décembre 2018.
Un an après, le maintien de l'ordre en France est remis en cause suite aux nombreux débordements et aux violences lors des manifestations. Le ministère de l'Intérieur réfléchit à la mise en place d'une nouvelle stratégie, un nouveau schéma du maintien de l'ordre. Les gendarmes mobiles et les CRS, comme Régis Debord, ont été en première ligne pendant cette année inédite de manifestations.
Certains étaient vraiment déterminés, c'était pour blesser du flic parce qu'on représente l'Etat.
Régis Debordà franceinfo
Au fil des semaines et des manifestations, toujours plus tendues, ce CRS de 44 ans, père de famille, s'épuise. D'autant que les jours de repos se font beaucoup trop rares. "L'accumulation des journées, à force, c'est usant", affirme Régis Debord. "A la fois pour l'organisme, mais aussi mentalement, et pour la famille. On était complètement nazes donc forcément les gamins ne comprennent pas. On était à moitié des zombies..."
"Il faut bien qu'on se défende"
Au bout du rouleau, ce délégué syndical de l'Unsa Police et les trois quarts de sa compagnie se mettent en arrêt maladie le 24 avril 2019. Ils devaient ce jour-là assurer la sécurité du secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Intérieur Laurent Nunez, lors d'un déplacement à Tours. 48 CRS sur les 61 sont allés consulter un médecin, 25 ont eu un arrêt, essentiellement pour surmenage. Les autorités ont donc dû dans l’urgence dépêcher une autre compagnie sur Tours.
Les CRS se disent aussi usés face aux accusations de violences policières. "Nous, ça ne nous enchante pas d'envoyer des gaz lacrymogènes ou des grenades de désencerclement, explique Regis Debord. C'est juste qu'au départ, on a reçu des projectiles, donc forcément il y a des affrontements. Il faut bien qu'on se défende."
Il y a des blessés, il y en a toujours trop, que ce soit d'un côté ou de l'autre. Mais personnellement, en tant que CRS, je me dis heureusement qu'on est là, parce que sinon où on en serait à cette heure-ci ?
Régis Debordà franceinfo
Le ministère de l'Intérieur dénombre à ce jour 1 960 blessés parmi les forces de l'ordre, 2 500 côté manifestants. La plupart l'ont été au cours des quatre premiers mois du mouvement.
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