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"Gilets jaunes" : la police était "préparée" mais elle ne pouvait pas "neutraliser" deux arrondissements de Paris

Fabien Jobard, spécialiste des questions de justice et de police, estime que les heurts à Paris étaient inévitables.

Article rédigé par franceinfo
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Manifestation des "gilets jaunes", samedi 24 novembre 2018 sur les Champs-Elysées, à Paris.  (BENJAMIN ILLY / FRANCE INFO)

Les violents heurts qui se sont déroulés sur les Champs-Elysées samedi 24 novembre lors de la mobilisation des "gilets jaunes" étaient-ils évitables ? "Je ne pense pas", a estimé sur franceinfo Fabien Jobard, spécialiste des questions de justice et de police, jugeant qu'il est "compliqué" de "neutraliser une avenue aussi longue que celle des Champs-Elysées".

franceinfo : Ces débordements auraient-ils pu être évités ?

Fabien Jobard : Je ne pense pas, parce que neutraliser une avenue aussi longue que celle des Champs-Elysées, quand il faut par ailleurs boucler le quartier des institutions, c’est-à-dire l’Assemblée nationale d’un côté, la palais de l’Elysée de l’autre, et que les forces de l’ordre sont mobilisées dans tout un ensemble de villes de France, c’est compliqué. Par ailleurs, on est face à un mouvement qui, en effet, n’a pas d’organisation syndicale, n’a pas de leader, n’a pas déclaré cette manifestation en préfecture et qui est caractérisé par un usage de ce type de répertoire, c’est-à-dire : destruction de matériels, prise d’assaut des préfectures, etc. Donc au fond, la police était préparée à ce type de configuration mais elle ne pouvait pas en même temps neutraliser à peu près deux arrondissements de Paris pour étanchéifier tout le haut des Champs-Elysées.

Laisser les gens déambuler sur les Champs-Élysées ce n’était pas du tout possible ? Au moins sur la place de la Concorde ?

Mais si des gens vont à l’affrontement c’est compliqué de laisser déambuler les touristes et les badauds. On a eu au fond des violences qui sont tout à fait limitées. Il faut bien faire la part entre des événements particulièrement télégéniques et ce qui relève véritablement de violences. On n’a pas eu de violences contre les personnes, on a eu des destructions de matériel au milieu de l’avenue avec un engin en flamme, des palissades en flamme, et des débuts de barricades. Mais comment voulez-vous tenir une barricade sur l’une des avenues les plus larges du monde ? Quant à la place de la Concorde, vous ne pouvez pas faire ça parce que d’un côté vous avez l’Assemblée nationale et de l’autre les ambassades des États-Unis et de l’Angleterre et le palais de l’Élysée. Il n’y a jamais de manifestations revendicatives de cette nature qui sont autorisées sur la place de la Concorde. Ce n’est pas possible.

Qui sont les casseurs qui sont entrés en action ? Très vite, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a pointé la responsabilité de l’ultradroite. Est-ce qu’il pouvait déjà le savoir ?

L’ultradroite, je ne sais pas ce que c’est. Lui (Christophe Castaner) doit le savoir mais pas moi. Il y a deux points à prendre en compte. Le premier c’est que ces mouvements, lorsqu’ils en arrivent à ce niveau de contestation, ont toujours été caractérisés par ce type d’action. Souvenez-vous des mouvements poujadistes, des mouvements de Gérard Nicoud, de tous ces mouvements de petits patrons, de commerçants-artisans. Ils se caractérisent à un moment ou à un autre par ce type d’actions. Ce n’est pas neuf. Le deuxième point c’est que c’est un mouvement de la France des grandes périphéries urbaines contre le centre urbain. Et je pense que pour beaucoup il y a une volonté de détruite pour manifester l’hostilité à "Paris centre", c’est-à-dire au centre urbain, là où se concentrent les richesses. Or, cette grande périphérie des agglomérations françaises, elle est caractérisée par deux choses : une abstention électorale très forte et un vote Rassemblement national très fort.

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