Crash du Rio-Paris : "Dix ans après, nous attendons encore le moindre message de sympathie d'Airbus", dit une association de proches
Danièle Lamy, présidente de l'association de proches de victimes Entraide et solidarité AF447, était l'invité de franceinfo samedi matin, 10 ans jour pour jour après le crash de l'avion.
Dix ans après la disparition du vol Air France Rio-Paris, Danièle Lamy, présidente de l'association de proches de victimes Entraide et solidarité AF447, a dit espérer sur franceinfo samedi 1er juin la tenue d'un procès pour "qu'aucun autre accident de ce type n'intervienne." Le 1er juin 2009, Danièle Lamy a perdu son fils lorsque le vol AF447 s'est abîmé dans l'océan Atlantique. Les 228 passagers et membres d'équipages, de 34 nationalités, avaient péri dans l'accident, le plus meurtrier de l'histoire de la compagnie française. Les juges d'instruction chargés de l'enquête, dans laquelle Air France et Airbus sont mis en examen, ont terminé leurs investigations, et les familles attendent maintenant un procès.
franceinfo : Dix ans après, comment vous sentez vous ?
Danièle Lamy : C'est extrêmement difficile, parce que la vie, depuis ce 1er juin, a considérablement changé. Il y a une absence qu'on ne peut pas compenser, et, effectivement, toute la famille est meurtrie. Pour le dixième anniversaire c'est d'autant plus difficile.
Ressentez-vous également de la colère ?
De l'émotion, c'est certain, une tristesse. De la colère, oui, parce que nous pensons que, depuis dix ans, on aurait très bien pu avoir un dénouement judiciaire plus rapide.
Rappelons le point de départ de ce drame : le givrage en vol de sondes Pitot, qui a conduit à un dérèglement des mesures de vitesse de l'Airbus A330 et désorienté des pilotes jusqu'au décrochage de l'appareil. Attendez-vous beaucoup des conclusions de cette enquête, alors que les investigations viennent de se terminer ?
Il faut savoir que dès 2012, les rapports du BEA [bureau d'enquêtes et d'analyses] et le rapport du premier collège d'experts avaient expliqué comment l'accident est arrivé. Nous attendons maintenant de savoir pourquoi l'accident a eu lieu, et nous sommes surtout très attentifs aux décisions que prendront les deux juges d'instruction dans la mesure où le rapport des experts judiciaires de 2012 et celui de 2018 sont en totale contradiction.
Selon vous, Air France et Airbus, qui sont mis en examen depuis 2011 pour homicides involontaires, ne doivent pas échapper à un procès.
Les familles ont absolument besoin de savoir ce qui s'est passé. On sait comment est arrivé l'accident, on ne sait pas pourquoi l'accident est arrivé. On aimerait savoir si l'accident aurait pu être évité, et, surtout, ça permettrait aux familles de comprendre, de les apaiser. Ce que nous attendons, c'est qu'un procès permette qu'aucun autre accident de ce type n'intervienne.
Une contre-expertise pointe la responsabilité individuelle des pilotes. Pour vous, et votre association, c'est d'abord la faute d'automatismes défaillants, conduisant les pilotes à "gérer l'ingérable".
Je maintiens. Ce n'est pas aux pilotes à gérer les défauts de conception d'un avion. Les pilotes jusqu'au moment où ils ont touché l'eau, n'ont pas réussi à comprendre ce qui arrivait. Les pilotes, on voudrait en faire des boucs émissaires et nous ne l'acceptons pas.
Le 10 mai dernier, lors du crash d'Ethiopian Airlines qui a fait 157 victimes, vous avez souligné que, contrairement à Boeing qui a alors admis des dysfonctionnements, Airbus ne l'avait jamais fait.
Le président de Boeing a adressé des excuses : "Nous sommes conscients de la dévastation des familles et des proches des passagers et membres d'équipage, et leur adressons nos plus sincères condoléances". Il reconnaît que le groupe travaille à des modifications du système anti-décrochage. Nous attendons encore le moindre message de sympathie d'Airbus.
Dans quel état d'esprit sont les gens autour de vous, les familles et les proches que vous représentez ?
Il y a des gens qui ont jeté l'éponge et veulent passer à autre chose, il y a des gens extrêmement combatifs qui continuent à être dans la révolte. Mais, globalement, les familles de victimes attendent maintenant un dénouement rapide, parce que ça apaiserait vraiment tous les esprits. On n'en peut plus depuis 10 ans. C'est très compliqué à gérer.
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