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Carburant : "Le gouvernement ne peut pas prendre de décision unilatérale" de réquisition des salariés grévistes, explique une avocate spécialiste

L'éxécutif envisage de réquisitionner des ouvriers des raffineries touchées par le mouvement pour la hausse des salaires afin d'approvisionner les stations-service. Cela n'est possible qu'en cas "d'atteinte à la sécurité, à l'ordre public", explique Judith Krivine.

Article rédigé par franceinfo
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Une banderole syndicale installée par des salariés grévistes devant la raffinerie TotalEnergies de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), mardi 11 octobre 2022. (NICOLAS TUCAT / AFP)

"Le gouvernement ne peut pas prendre de décision unilatérale" de réquisition des salariés grévistes des raffineries et des dépôts de carburants, explique mardi 11 octobre sur franceinfo l'avocate Judith Krivine, spécialisée dans le droit du travail et la défense des syndicats et des salariés. C'est pourtant une solution que le gouvernement envisage pour permettre l'approvisionnement des stations-service Esso et Total en carburant, alors que le secteur est touché depuis une dizaine de jours par un mouvement de grève à l'appel de la CGT. Le syndicat demande des hausses des salaires.

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franceinfo : le gouvernement peut-il légalement réquisitionner les salariés grévistes des raffineries et des dépôts de carburant ?

Judith KrivineIl n'y a pas de cas particulier dans lesquels c'est possible, qui serait prévu expressément dans un texte. On n'est pas dans un service public, ce n'est pas géré par une entreprise publique ou un établissement public. La possibilité de faire des réquisitions est strictement encadrée par le Code de la défense et par le Code général des collectivités territoriales. Ce n'est possible que dans certains cas extrêmement précis.

Ce n'est pas une question de secteurs, c'est une question d'atteinte à la sécurité, à l'ordre public et ces atteintes doivent être extrêmement graves, porter atteinte à la continuité d'un service public.

Judith Krivine, avocate

à franceinfo

Je ne suis pas juge, ce n'est pas à moi de décider si c'est le cas ou pas ici, mais on n'est pas dans une situation où on a un conflit avec une insurrection ou quelque chose qui porte atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes.

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran n'exclut pas "d'intervenir" pour débloquer les dépôts de carburants et les raffineries. Est-ce possible ?

Il ne faut pas confondre deux choses. Il y a la question de l'expulsion des grévistes qui n'est possible que lorsqu'il y a atteinte à la liberté du travail ou à la circulation des marchandises, par exemple quand on empêche les camions d'entrer et de sortir, ce qui n'a pas l'air du tout d'être le cas en l'espèce. On est dans un cas où simplement les gens sont arrêtés, c'est l'exercice normal du droit de grève. Donc la question de l'expulsion des grévistes a priori ne se pose pas, sinon l'entreprise aurait déjà fait un référé et aurait déjà obtenu leur expulsion. Les piquets de grève, en soi, ne sont pas interdits. En revanche, la question de la réquisition n'a rien à voir avec les piquets de grève. Est-ce qu'on peut réquisitionner des salariés pour travailler alors qu'ils exercent normalement le droit de grève parce que cela porterait atteinte de façon très grave à l'ordre public ? Là, c'est un juge qui pourrait statuer mais ça ne semble pas du tout évident (…) Si on réquisitionne ici et qu'on porte atteinte au droit de grève, je pense que dans d'autres secteurs d'activité on risque d'avoir des réactions en chaîne.

En 2010, les raffineries françaises avaient aussi été bloquées, cette fois-ci dans le cadre de la contestation de la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy avait alors réquisitionné du personnel par voie d'huissier. L'Organisation internationale du travail (OIT) avait condamné la France l'année suivante. Il n'y a donc pas de solution ?

Il suffit de suivre la décision qui avait été rendue par l'Organisation internationale du travail. Ce qu'a dit l'OIT est très clair : le gouvernement ne peut pas prendre de décision unilatérale. L'OIT a fait une recommandation très claire en disant que le gouvernement doit utiliser des méthodes moins liberticides et plus démocratiques que la réquisition, en faisant des concertations préalables. C'est là le problème. En montrant toutes les personnes qui ont du mal à aller travailler, on essaie de focaliser les choses et de stigmatiser la CGT comme si tout était de sa faute alors qu'en réalité on est dans une situation où, soit il s'agit d'un service public alors peut-être qu'il faut le nationaliser, soit on est dans une entreprise privée et il faut de la concertation, il faut négocier, il faut écouter aussi les revendications des salariés.

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