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Grève à la SNCF : "Quand vous créez une poudrière, il ne faut pas s'étonner que les choses dérapent", estime le syndicat de cheminots First

Pour Bernard Aubin, "il faut en revenir à des négociations plus structurées" avec les syndicats, mais encore "faudrait-il que le pouvoir veuille restituer la place des corps intermédiaires."

Article rédigé par franceinfo
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Des trains et TGV à l'arrêt au technicentre Atlantique SNCF situé à Châtillon, le 31 juillet 2018. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

"Quand vous créez une poudrière, vous jetez de l'huile sur le feu, il ne faut pas s'étonner qu'ensuite les choses dérapent", a dénoncé lundi 28 octobre sur franceinfo Bernard Aubin, le secrétaire général du syndicat de cheminots First, alors qu'une grève au centre de maintenance du TGV Atlantique provoque de fortes perturbations sur l'axe Atlantique.

Bernard Aubin met en avant "le fond et la forme" du conflit qui s'inscrit "dans un contexte de réforme de l'entreprise qui n'est toujours pas passée aux yeux des cheminots". "La pilule n'est pas passée, elle reste encore amère". Il invite "le gouvernement à être extrêmement vigilant" et à ne pas "lancer des brûlots" contre les agents. Le secrétaire général du syndicat de cheminots First souhaite également que les négociations redeviennent "plus structurées" et que "le pouvoir en place veuille restituer la place des corps intermédiaires".

Ces perturbations des derniers jours viennent de plus loin ? Il y a un mal enraciné à la SNCF ?

Bernard Aubin : Dans tout conflit, il y a une problématique, à savoir la tentative de remise en cause d'un accord, qui prévoyait des journées de repos en compensation d'un investissement des agents. Ce facteur-là, c'est le feu qui a été mis aux poudres. Le contexte global est beaucoup plus généralisé. Cela porte sur les conditions de travail, sur des règles de productivité, des pressions, des sanctions. Nous sommes dans un contexte de réforme de l'entreprise qui n'est toujours pas passée aux yeux des cheminots, ni sur le fond ni sur la forme. Il y a une problématique spécifique, celle qui a mis le feu aux poudres. Il y a un contexte plus général, à la SNCF comme en France. On pourrait inviter le gouvernement à être extrêmement vigilant. A lancer des brûlots, à demander des sanctions dès que les gens font référence à des problèmes de sécurité, cela ne fait qu'exacerber les tensions.

Est-ce que le dialogue est au point mort ? Est-ce qu'il y a une responsabilité partagée entre syndicats et direction ?

Les syndicats étaient dans le collimateur de deux présidents, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, qui, à travers des réformes, ont voulu les affaiblir. Quand vous affaiblissez un contre-pouvoir, quand vous affaiblissez les interlocuteurs privilégiés des salariés, c'est un peu comme si vous fermer les casernes de pompiers. Quand ensuite vous créez une poudrière, vous jetez de l'huile sur le feu, il ne faut pas s'étonner qu'ensuite les choses dérapent. Effectivement, cela peut échapper aux syndicats. C'est inquiétant puisque ce genre de mouvement peut très rapidement devenir incontrôlable. Il faut en revenir à des négociations plus structurées. Encore faudrait-il que le pouvoir en place veuille restituer la place des corps intermédiaires.

Est-ce qu'il y a encore les stigmates du long mouvement de grève du printemps ?

Ce mouvement faisait suite à cette réforme contestée sur le fond comme sur la forme. Le fond, c'est l'éclatement de l'entreprise en plusieurs sociétés anonymes, la fin du statut pour les nouveaux embauchés, le nivellement vers le bas de ce qui restera du statut pour ceux qui sont encore à la SNCF. La forme (ce sont) les cheminots (qui) se sont sentis insultés par le gouvernement. Quand le Premier ministre dit aux cheminots, on paie de plus en plus pour la SNCF et ça fonctionne de moins en moins bien, il n'a peut-être pas tout à fait tort. Il y a aussi une responsabilité du gouvernement qui n'a jamais remboursé la dette d'infrastructure à la SNCF et qui l'a placée dans une situation où elle ne peut plus fonctionner. Conclure derrière qu'on va arranger les choses en supprimant le statut des cheminots, cela a été reçu comme une véritable provocation suivie d'un non dialogue social total. La pilule n'est pas passée, elle reste encore amère aux yeux des cheminots.

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